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Le métier d’entraîneur: Une mise en contexte

Vous avez dit « entraîneur »?

Parmi les intervenants interviewés pour l’article, certains ont d’abord insisté sur la nécessité de comprendre la signification du mot « entraîneur », terme souvent galvaudé qui mériterait un petit réajustement. Prenez Alain Dufort, par exemple, conseiller chez Boutique Courir. Même s’il est détenteur d’un baccalauréat en Éducation Physique et prend en charge de nombreux sportifs comme François Hamelin (olympien reconverti à la course à pied), lui-même ne se définit pas comme tel.

En effet, pour pouvoir se définir comme « entraîneur », il faudrait entretenir un contact quasi quotidien avec son athlète, de l’ordre « d’au moins trois fois par semaine sur le terrain », tant sur ses séances d’entraînement que sur les tests de condition physique à lui faire passer régulièrement, de façon à assurer un suivi et une trajectoire synchronisée avec les objectifs fixés.

Cette définition, qui se distingue notamment des entraîneurs de clubs et de groupes (et encore plus des entraîneurs qui supervisent des groupes d’athlètes), vient déboulonner certains mythes tenaces sur la possibilité pour un entraîneur de superviser plusieurs athlètes à la fois. « À moins d’être à temps plein, [il est] impossible pour un entraîneur de s’occuper de beaucoup d’athlètes de haut niveau en même temps », dixit Daniel Mercier, co-auteur du test Navette et entraîneur de coureurs·ses ayant fait briller le Québec sur la scène internationale par le passé. À titre d’exemple, Michel Poortman entraînait seulement deux athlètes de haut niveau à la fois, Charles Lefrançois en saut en hauteur et un certain Bruny Surin au sprint…

En effet, entraîner des groupes de course, même régulièrement, ne permettrait pas d’assurer un suivi complet à chaque individu qui le compose. Puisque tout le monde n’est pas au même niveau, ne réagit pas de la même façon aux stimuli de l’entraînement, impossible d’appliquer les mêmes règles à tout le monde… Entraîner un athlète de haut niveau demande un engagement et une disponibilité conséquents, réduisant du même coup la possibilité de multiplier les contrats.

 

La base : une formation digne de ce nom

La majorité des intervenants a souligné l’importance d’acquérir une formation de base pour acquérir une méthodologie de travail et une constance auprès de ses athlètes, en plus de la nécessité de se maintenir à jour dans des formations continues. La formation universitaire s’est renouvelée avec le temps : du très général « Diplôme en Éducation Physique », elle porte désormais le nom de « Kinésiologie » – du grec ancien κίνησιςkínêsis, « mouvement » et λόγοςlógos, l’étude, la science – et se distingue du métier d’éducateur physique par la clientèle visée, les gestes posés, les circonstances et les unités d’enseignement. Une fois diplômée, la personne qui vous entraîne s’appelle un ou une kinésiologue.

Certains, comme John Lofranco et Jean-Yves Cloutier, sont passés – en partie ou en totalité – par le Programme National de Certification des Entraîneurs (PNCE). Petite distinction : ceux qui possèdent le Baccalauréat universitaire en Sciences de l’Activité Physique peuvent obtenir des équivalences au sein de la formation PNCE, mais pas l’inverse…  ce qui fait dire à d’autres que seule la formation obtenue suite au programme universitaire serait adéquate, pour peu que celle-ci soit « spécialisée en entraînement », ce qui ne semble pas être le cas actuellement. En revanche, la formation PNCE permet à l’entraîneur de se spécialiser dans un sport et de garder un lien avec les fédérations sportives, principales instances délivrant aux athlètes les brevets qui leur garantissent les qualifications, le soutien matériel et financier, ainsi que l’accompagnement aux compétitions de haut niveau.

Aux dires de Daniel Mercier, la formation d’entraîneur souffre de plusieurs manques au Québec. Dans certaines universités québécoises, les matières enseignées bénéficieraient davantage aux futurs chercheurs en science de l’activité physique qu’aux actuels « praticiens », soit la majorité du corps étudiant qui intègre le marché du travail suite à l’obtention du baccalauréat.

Selon lui, il y aurait un déséquilibre : trop de théorie pure et dure d’un côté et pas assez de pratique et d’application des principes d’entraînement de l’autre. Ce qui donnerait chez plusieurs diplômés le sentiment de ne pas être correctement outillés à l’orée de leur aventure professionnelle. Au corps professoral universitaire québécois, il manquerait donc de « spécialistes de l’entraînement », des professeurs qui enseignent les méthodes concrètes pour transformer les savoirs théoriques en touchés réels sur le terrain.

Autre nécessité, selon les entraîneurs sondés, serait celle de la formation continue. C’est ce qui différencie, par exemple, l’entraîneur appliquant ad nauseam « sa » méthode unique jugée gagnante sur tout son petit monde, de l’entraîneur se penchant sur les variabilités individuelles de ses entraînés. À l’heure actuelle, plusieurs organismes offrent des formations continues, reconnues ou non par la Fédération des Kinésiologues du Québec, qui permettent aux kinésiologues accrédités et aux entraîneurs certifiés PNCE, d’accumuler des points pour maintenir à jour leur accréditation et, par extension, leur légitimité au sein du public et des milieux de l’entraînement.

 

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Sources intro

L’utilisation du genre masculin dans le texte a pour but d’alléger celui-ci et de faciliter la lecture.

Panel des répondants qui ont contribué à l’élaboration de ce dossier (par ordre alphabétique) :

  • Jean-Yves Cloutier – Entraîneur certifié PNCE niveau 2, fondateur du club d’athlétisme Les Vainqueurs, conférencier et auteur de « Courir au bon rythme » I et II.
  • Alain Dufort – B.Sc Éducation Physique, conseiller à la vente chez Boutique Courir.
  • Dorys Langlois – B.Sc Kinésiologie, entraîneur certifié PNCE niveau 4, entraîneur personnel et de groupe.
  • François Lecot – M.Sc Sciences de l’activité physique, entraîneur certifié PNCE niveau 3, chroniqueur au magazine KMag, adjoint à la direction (volet académique) et chargé de cours l’École de Kinésiologie et des Sciences de l’activité physique de la Faculté de Médecine de l’Université de Montréal.
  • John Lofranco – Entraîneur certifié PNCE niveau 4 et en Athlétisme Endurance, Diplôme avancé en Entraînement (INS Québec), gestionnaire pour la formation et développement des entraîneurs chez Athlétisme Canada.
  • Daniel Mercier – M.Sc Physiologie de l’exercice, co-auteur du test Navette, consultant en entraînement.
  • Stéphane Pilon – B.Sc Biochimie, conseiller à la vente chez Boutique Courir, animateur de séances de vélo stationnaire.

Sources page 2

L’évaluation de la condition physique consiste à administrer un ou plusieurs test-s d’effort sous-maximal à maximal à un individu, suivant un protocole établi, dans le but d’établir différentes mesures relatives à sa performance.


Sources conclusion

Jean-Yves Cloutier, Michel Gauthier, « Courir au bon rythme I », Éditions La Presse, 2017 et « Courir au bon rythme II », Éditions La Presse, 2013.