Retour

Le métier d’entraîneur: Plus de crédibilité pour la profession

Le nerf de la guerre : protéger la profession d’entraîneur et de kinésiologue

À l’heure actuelle, la Fédération des Kinésiologues du Québec (FKQ) est le seul organisme qui défend les intérêts de la population dans le domaine de l’entraînement. En 2013, elle entame les démarches de constitution d’un Ordre des Kinésiologues pour le Québec, long et sinueux s’il en est, qui amènerait à terme la reconnaissance de l’acte du kinésiologue et une meilleure condition d’emploi pour ce dernier. En 2018, le dossier affiche encore le statut d’ « analyse en cours » de l’Office des Professions du Québec.

Le 3 mars 2019, Josée Lavigueur ne manquait pas de rappeler à François-David Bernier de l’émission de radio « J’appelle mon avocat » sur QUB Radio, l’importance de créer un ordre professionnel, tant pour la protection du public que la légitimité des professionnels du sport. Qu’est-ce qui bloque les procédures? Outre les questions amenées avec l’Ordre des Physiothérapeutes du Québec à propos de la main-mise de certains actes cliniques, un des écueils se situe précisément au niveau de la qualité de la formation.

Si le cheminement académique est jugé inadapté par certains membres du panel interviewé, de nombreuses « formations parallèles » pullulent sur le marché professionnel, plus courtes et incomplètes par rapport au schéma universitaire reconnu. Cette surabondance de parcours alternatifs, échappant à la lorgnette de la FKQ, crée un cercle vicieux : une quantité importante de prétendus « entraîneurs » aux pratiques douteuses et non sécuritaires sont « relâchés » dans la nature, décrédibilisent la profession de kinésiologue et du même coup, donnent plus d’armes à ses détracteurs dans l’opposition à la création d’un ordre professionnel…

Selon François Lecot, impliqué dans la formation des futurs kinésiologues à l’Université de Montréal, un autre obstacle à la reconnaissance des kinésiologues provient de la population-même, laquelle « minimise encore trop l’entraînement » : « les gens ne sont pas [encore] prêts à reconnaître l’importance d’un encadrement professionnel et des coûts qui peuvent s’y rattacher, quand vient le temps de suivre un programme d’entraînement. [Ils] prennent plus soin de leur véhicule que de leur corps… et leur corps, ils vont le laisser au premier [animateur de conditionnement physique] venu ». Il cite l’exemple de notre bouche, que nous ne confierions jamais à quelqu’un d’autre qu’un dentiste… Pourquoi en devrait-il être autrement lorsqu’il s’agit de notre condition physique?

À ce titre, François Lecot insiste sur le besoin de mieux informer le public sur l’importance d’un Ordre des Kinésiologues, notamment pour protéger l’acte d’évaluation de la condition physique1 , car si exécuté sans mesures sécuritaires au préalable, pourrait avoir des conséquences fâcheuses. De plus, « une personne possédant une formation sait qu’il y a plus que le seul fait de courir qui agisse dans les prédéterminants de la performance […]. Le kinésiologue va penser aux saines habitudes de vie, à l’équilibre, au bien-être de l’individu ».

Françcois Lecot cite en exemple le cas de nombreux triathloniens « exténués », à qui un entraîneur d’expérience n’hésitera pas à imposer le repos « car sa formation [et son code de déontologie] lui [dictent] d’agir ainsi », là où un entraîneur ne se fiant qu’à ses « recettes toutes faites » ne verrait pas là le symptôme d’un problème sous-jacent de surentraînement. À ses yeux, « il faut définitivement reconnaître les compétences nécessaires à l’encadrement des individus en activités physiques et sportives », voire également créer une fédération pour les entraîneurs (car un kinésiologue n’est pas forcément un entraîneur et inversement), afin de garantir la sécurité des interventions sportives, et à terme, mieux protéger le public.

 

L’activité physique… un choix de société?

Ensuite, un système d’influence complexe oppose le gouvernement, peu soutenant des fédérations sportives de manière générale, à une politique de l’activité physique et sportive forte au Québec. Le manque d’effectifs et de moyens investis pour le sport a des effets sur tous les âges de la société, de la naissance à la vie adulte. Par exemple, la réduction des heures d’éducation physique à l’école depuis les dernières années a des conséquences sur la relation qu’ont les jeunes Québécois face à l’activité physique, qu’ils négligent de plus en plus et abandonnent à l’âge adulte…

Par ailleurs, si la réduction du budget pour le sport – tant à l’école qu’auprès des fédérations sportives – tend à diminuer avec le temps, il ne faut pas s’étonner que les jeunes ne soient pas actifs ou ne développent pas d’envie de bouger. Si les fédérations sportives n’ont pas les moyens de se faire connaître auprès du public, comment inspirer les plus jeunes et les soutenir dans leurs projets sportifs?

En somme, régler les problèmes en amont, comme investir davantage dans le temps consacré aux activités sportives à l’école, serait une bonne façon (parmi tant d’autres) d’instaurer une culture du sport plus saine au Québec. Améliorer la situation des athlètes et de leur personnel de soutien – les entraîneurs, mais pas que – générerait un terreau plus confortable pour le sport de haut niveau au Québec.

En parallèle, développer un circuit de compétitions relevé convaincrait peut-être les espoirs québécois de rester à la maison, sûrs d’y trouver des adversaires prompts à leur donner la réplique, plutôt que de s’expatrier aux États-Unis ou en Europe. Enfin, la proximité de ses idoles favoriserait la création de modèles d’hommes et de femmes plus accessibles pour la jeunesse québécoise.

Faciliter les liens entre les lieux de formation et les fédérations sportives permettrait en outre de faire évoluer les futurs entraîneurs dans les filières d’entraînement de haut niveau et assurer le renouvellement des effectifs, en plus de susciter l’intérêt des pratiquants grâce à de nouveaux exemples sportifs et professionnels.

 

Lire la suite… 

 

 

 


Sources intro
L’utilisation du genre masculin dans le texte a pour but d’alléger celui-ci et de faciliter la lecture.
Panel des répondants qui ont contribué à l’élaboration de ce dossier (par ordre alphabétique) :
  • Jean-Yves Cloutier – Entraîneur certifié PNCE niveau 2, fondateur du club d’athlétisme Les Vainqueurs, conférencier et auteur de « Courir au bon rythme » I et II.
  • Alain Dufort – B.Sc Éducation Physique, conseiller à la vente chez Boutique Courir.
  • Dorys Langlois – B.Sc Kinésiologie, entraîneur certifié PNCE niveau 4, entraîneur personnel et de groupe.
  • François Lecot – M.Sc Sciences de l’activité physique, entraîneur certifié PNCE niveau 3, chroniqueur au magazine KMag, adjoint à la direction (volet académique) et chargé de cours l’École de Kinésiologie et des Sciences de l’activité physique de la Faculté de Médecine de l’Université de Montréal.
  • John Lofranco – Entraîneur certifié PNCE niveau 4 et en Athlétisme Endurance, Diplôme avancé en Entraînement (INS Québec), gestionnaire pour la formation et développement des entraîneurs chez Athlétisme Canada.
  • Daniel Mercier – M.Sc Physiologie de l’exercice, co-auteur du test Navette, consultant en entraînement.
  • Stéphane Pilon – B.Sc Biochimie, conseiller à la vente chez Boutique Courir, animateur de séances de vélo stationnaire.

Sources page 2
L’évaluation de la condition physique consiste à administrer un ou plusieurs test-s d’effort sous-maximal à maximal à un individu, suivant un protocole établi, dans le but d’établir différentes mesures relatives à sa performance.

Sources conclusion:
Jean-Yves Cloutier, Michel Gauthier, « Courir au bon rythme I », Éditions La Presse, 2017 et « Courir au bon rythme II », Éditions La Presse, 2013.