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Le métier d’entraîneur: L’entraîneur et l’entraîné

Vous avez dit « athlète »?

Si seul un ou deux athlètes québécois réussissent à tirer leur épingle du jeu sur des compétitions internationales, qu’en est-il de tous ceux qui composent le bassin de compétition? François Lecot ne fait pas de distinction entre un athlète de haut niveau et un coureur lambda. « Les deux sont importants », dit-il, d’autant plus que ce dernier amène une complexité supplémentaire pour le kinésiologue, compte tenu de son train de vie personnel/professionnel prégnant. Un athlète de haut niveau, quant à lui, « n’a que cela à faire » et par conséquent est plus malléable aux yeux d’un entraîneur, comparativement à Monsieur Toutlemonde.

En occident, la nouvelle génération de sportifs est très exigeante avec elle-même. Biberonnée aux idées de vitesse, de productivité et de rendement, la clientèle de l’entraîneur du XXIème siècle est caractérisée par un esprit compétitif sans bornes. Celle-ci incarne donc un défi pour les kinésiologues et entraîneurs, non seulement parce que nombre d’entre eux ont des vies personnelles/professionnelles à côté, mais parce qu’ils veulent s’entraîner au même niveau que les plus grands. Ils ont en tête la performance, ou du moins souhaitent donner le meilleur d’eux-mêmes, et sont prêts à mettre beaucoup de moyens pour y arriver.

Le kinésiologue a envers cette clientèle un devoir de soutien, mais aussi d’éducation : même avec la plus grande volonté du monde, quelqu’un qui investit son temps dans d’autres activités doit concevoir celles-ci comme des sources de stress et de fatigue psychologique potentielles, pouvant contrecarrer ses aspirations athlétiques. Car la différence entre le coureur du dimanche et l’athlète de haut niveau, mis à part la génétique, c’est bien sûr le temps.

François Lecot l’admet : entraîner Monsieur Toutlemonde qui (n’est pas blessé et qui) veut bouger sans contrainte pour le bien-être et le plaisir que l’activité physique procure, ne représente pas un réel défi en soi. Ça, beaucoup de monde peut arriver à le faire… mais à partir du moment où on a un coureur qui accumule emploi/études à temps plein, famille, activités sociales ou autres et qui veut en plus réussir dans des activités sportives… Allez maintenant lui expliquer le concept de la récupération en entraînement… peut-être vous prendrez-vous un air bête en retour!…

 

Des « Joe Blow » peu scrupuleux

Serions-nous donc un peu simplistes de penser que l’on pourrait réussir aussi bien que les athlètes de haut niveau, avec en plus les charges de la vie quotidienne que nous connaissons? Aux dires des entraîneurs sondés, le problème viendrait en partie de cette recherche de la facilité, inhérente à la nature humaine, alimentée par les fables comme celle du Petit Poucet…

Les récits télévisés pullulent de ces destins glorieux qui sortent de nulle part. Plus près de nous, des vendeurs de rêve peu scrupuleux voient en cette clientèle de gens illusionnés un moyen tout aussi facile de se faire des sous… Cet entraîneur peu scrupuleux – appelons-le Joe Blow – dont la « formation » n’excède pas une semaine de cours donnés dans un gym, « ne sera pas capable [d’adapter] le formatage du plan d’entraînement avec le mode de vie des individus.

Joe Blow ne verra que la performance comme paramètre en course à pied, alors qu’un individu est bien plus que cela », s’inquiète François Lecot. « Monsieur Toutlemonde qui veut faire de son mieux est aussi important qu’un athlète de haut niveau », tant pour sa sécurité que pour les raisons évoquées précédemment.

Il vaut mieux avoir 20 ans d’expérience que vingt fois un an d’expérience – Daniel Mercier

Quand on regarde de loin, entraîner des gens a l’air d’être quelque chose de si facile aux yeux de l’observateur inexpérimenté… C’est peut-être pour cela que tant de gens tentent leur chance dans cette voie… Or, l’aisance apparente dont font preuve les entraîneurs sur le terrain masque une réalité beaucoup plus complexe. Ce que l’on voit à l’œil nu n’est que la pointe de l’iceberg, le point culminant de centaines d’heures de préparation et de peaufinage.

 

Entraîner… le poids de l’expérience

L’attention que l’entraîneur porte à son athlète cache une expérience qui guide ce premier dans la prescription d’exercices adaptés et réalistes pour le second. John Lofranco abonde : les années de pratique amènent une sensibilité à l’entraîneur, une capacité à trouver des réponses pour tous leurs sujets, avec toutes les particularités individuelles qui les accompagnent.

À ce titre, il cite l’expression de Peter Coe, entraîneur de Sebastian Coe, champion olympique du 1500 m sur piste en 1980 et 1984 : « every athlete is an experiment of one » [chaque athlète est l’expérimentation d’un individu seul, ndlr]. L’ancien entraîneur devenu gestionnaire nuance avec la situation de groupes d’athlètes, stade plus élevé de la relation « un à un » de l’entraîneur-entraîné, auquel il est lui-même confronté au sein d’Athlétisme Canada : « [Partant de ce constat], avoir eu un an d’expérience avec 20 athlètes, vaut mieux que 20 ans d’expérience avec un athlète ».

Par ailleurs, un bon entraîneur est-il forcément un ancien athlète? « Pas nécessairement », répondent tous les entraîneurs interviewés, avant de reconnaître que cela peut être un « atout » dans l’application de la charge d’entraînement et la compréhension du stress que subissent ses protégés.

 

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Sources intro
L’utilisation du genre masculin dans le texte a pour but d’alléger celui-ci et de faciliter la lecture.
Panel des répondants qui ont contribué à l’élaboration de ce dossier (par ordre alphabétique) :
  • Jean-Yves Cloutier – Entraîneur certifié PNCE niveau 2, fondateur du club d’athlétisme Les Vainqueurs, conférencier et auteur de « Courir au bon rythme » I et II.
  • Alain Dufort – B.Sc Éducation Physique, conseiller à la vente chez Boutique Courir.
  • Dorys Langlois – B.Sc Kinésiologie, entraîneur certifié PNCE niveau 4, entraîneur personnel et de groupe.
  • François Lecot – M.Sc Sciences de l’activité physique, entraîneur certifié PNCE niveau 3, chroniqueur au magazine KMag, adjoint à la direction (volet académique) et chargé de cours l’École de Kinésiologie et des Sciences de l’activité physique de la Faculté de Médecine de l’Université de Montréal.
  • John Lofranco – Entraîneur certifié PNCE niveau 4 et en Athlétisme Endurance, Diplôme avancé en Entraînement (INS Québec), gestionnaire pour la formation et développement des entraîneurs chez Athlétisme Canada.
  • Daniel Mercier – M.Sc Physiologie de l’exercice, co-auteur du test Navette, consultant en entraînement.
  • Stéphane Pilon – B.Sc Biochimie, conseiller à la vente chez Boutique Courir, animateur de séances de vélo stationnaire.

Sources page 2
L’évaluation de la condition physique consiste à administrer un ou plusieurs test-s d’effort sous-maximal à maximal à un individu, suivant un protocole établi, dans le but d’établir différentes mesures relatives à sa performance.

Sources conclusion:
Jean-Yves Cloutier, Michel Gauthier, « Courir au bon rythme I », Éditions La Presse, 2017 et « Courir au bon rythme II », Éditions La Presse, 2013.