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Volume et intensité en entraînement – Administrer l’intensité (2/2)

Dans ce dossier sur l’intensité en entraînement, nous avons fait équipe avec Daniel Mercier, co-créateur du test Navette (Luc Léger), ex entraineur de l’équipe nationale d’athlétisme, demi-fond et fond et concepteur de la technologie METs-Up d’Activity Lab. Il est aussi le créateur du Concept ProfilDM, une méthode et application en devenir qui permettrait d’optimiser les intensités d’entraînement en fonction du profil personnel et des objectifs sportifs de chacun*.

L’idée de base de cette petite série de texte est simple : nous aider à comprendre un peu mieux l’entraînement pour mieux faire ses choix. Surtout quand on est amateurs, encore plus quand on débute un sport, on peut être tentés de s’y jeter sans trop savoir comment notre corps pourrait réagir. Pour ceux qui aiment lire et en apprendre d’avantage, ces textes sont pour vous.

On se trompe de vocabulaire – Daniel Mercier

Dans le premier texte du dossier, Daniel Mercier nous a éclairés sur la différence entre le volume et l’intensité en entraînement. Le volume, ce serait la quantité totale de temps alloué à l’entraînement. L’intensité quant à elle serait distribuée à l’intérieur de ce volume total, grâce à des séquences à plus ou moins grandes vitesses ou des séries de musculation avec des poids et/ou des vitesses d’exécution variables.

Ainsi, le volume est une quantité de temps, dont nous disposons selon notre occupation et que nous aurions tout intérêt d’optimiser. Pour éviter la monotonie, le plateau en entraînement, voire pour s’améliorer et performer, Daniel Mercier suggère une « pizza toute garnie » : quatre types de stimulations, entre la basse et la très haute intensité, qui visent non pas à nous entraîner plus, mais mieux.

 

Mieux tester = mieux s’entraîner

Pour s’entraîner mieux, il faut d’abord connaître et donc mesurer nos capacités. C’est à cela que servent les tests de la condition physique. On n’est en compétition contre personne, sauf peut-être avec nous-mêmes. Ils visent à évaluer où nous en sommes à l’instant T et à bâtir un programme en fonction de nous, même lorsqu’on n’a pas d’objectif précis.

Daniel Mercier est clair à ce sujet : « les tests ne servent pas qu’à nous préparer à un événement sportif. Si on testait mieux, on aurait plus de jeunes qui s’épanouiraient dans des disciplines qui leur conviennent ».

Pareil pour nous, les sportifs amateurs : se faire tester nous permettrait de cibler nos forces et nos faiblesses et à nous entraîner mieux en conséquence : « on n »aurait pas des cas où des sprinteurs poursuivent le même programme que les coureurs de fond et vice versa », renchérit Daniel Mercier.

Des préparations différentes

Un sprinteur a-t-il besoin du même programme qu’un marathonien? La réponse semble évidente : bien sûr que non. Et pourtant, les deux sportifs se sont entraînés sur la base d’un même volume (temps) d’entraînement. Cependant, ils n’ont pas du tout le même programme.

L’objectif reste le même – développer la plus grande vitesse possible sur la distance de compétition. Mais cet écart dans l’objectif de distance impose pour chacun un cahier des charges complètement différent. La clé réside sans doute dans la préparation. Les deux ont foulé la piste, l’asphlate (surtout le marathonien) et la salle de conditionnement physique. Le sprinteur a intégré une part plus grande de travail en vitesse et en puissance, tandis que le marathonien, lui, a travaillé davantage en endurance aérobie et musculaire.

Dans les deux cas, les sportifs ont été amenés à optimiser leurs aptitudes au maximum en regard de leur objectif précis. En aucun cas, le coureur de fond pourrait égaler Usain Bolt au 100 mètres et inversement, le sprinteur ne pourrait pas déployer non plus la même vitesse que le marathonien sur 42 kilomètres.

 

Cibler l’intensité en fonction de l’objectif

Qu’est-ce qui explique un tel décalage dans la préparation, si les deux athlètes travaillent pourtant avec le même volume total d’entraînement? L’intensité doit-elle être répartie de la même façon pour tout le monde? « Non, dit Daniel Mercier. Elle doit être adaptée au profil et à l’objectif du sportif ». C’est ce qui explique entre autres pourquoi les athlètes excellent dans leur strict domaine d’expertise.

Il ne viendrait l’idée à personne de donner à un kayakiste le même plan d’entraînement que l’adepte du saut en longueur, simplement parce que les deux n’ont pas le même objectif. Eh bien pour Daniel Mercier, il devrait en être de même pour les athlètes qui pratiquent des disciplines différentes à l’intérieur d’un même sport. L’exemple du 100 mètres et du marathon est extrême, mais il est éloquent.

Certes, la comparaison est énorme. Pour qu’elle ait plus de sens, il aurait fallu comparer Usain Bolt à un marathonien du même niveau que lui. Car si Usain Bolt souhaitait courir un marathon en quatre heures, il pourrait sans doute le faire. Cependant, il ne pourrait pas le faire en deux heures, comme Eliud Kipchoge. lors du défi Breaking 2.

 

Des différences… même dans le même sport !

Soyons plus précis. Comparons cette fois-ci deux coureuses élites. L’une pratique la distance du 800 sur piste et l’autre court des marathons. Sur le graphique ci-dessous, les deux se rejoignent au même point en leur vitesse aérobie maximale (VAM), qui correspond à environ 20km/h1.

Les deux coureuses ont la même VAM et puis… Et puis, c’est là que s’arrêtent les similitudes, parce que sur des Sur les distances longues, 3km et plus, la marathonienne tient des vitesses plus élevées que la coureuse de 800m. À l’inverse, sur des efforts plus courts et puissants comme des 1500m et moins, la deuxième bat la première à plate couture.

Comment expliquer cette différence entre les deux coureuses? Sur le papier, elles ont pourtant bien une VAM équivalente! Pourquoi la coureuse de 800m ne peut-elle pas tenir aussi vite que la marathonienne sur des efforts plus longs, alors qu’elle va si vite sur la piste?

 

Un profil-type

Pour Daniel Mercier, cette différence entre ces deux athlètes indique deux choses. La première est une évidence : on n’est pas tous faits pareils. En fonction de notre bagage génétique et de nos intérêts, on peut être amenés à se diriger naturellement vers des disciplines que l’on aime ou pour lesquelles on s’entraîne et on a plus de facilité.

Sans le savoir, dès notre plus jeune âge, on est orientés vers un profil-type, que l’on pourra exploiter par la suite si l’on se spécialise. La deuxième est qu’avec un peu plus d’expérience dans ce sport que l’on affectionne, on peut être amenés à se spécialiser, subir des tests d’évaluation dans différents domaines pour vérifier où l’on excelle et où on doit s’améliorer.

C’est là que Daniel Mercier souhaite nous amener. À ses yeux, tester les jeunes et les autres plus tôt et pas seulement une fois qu’ils entrent en compétition est nécessaire. Cela leur éviterait sans doute des erreurs de jugement et des orientations dans des sports qui ne leur conviennent pas. Ensuite, tester mieux les jeunes leur assurerait de travailler leurs qualités de façon plus ciblée et intelligente et optimisée vers le haut niveau, si tel est leur désir.

 

Optimiser ses capacités personnelles

Dans la même veine que les jeunes, il faudrait tester plus souvent et mieux les sportifs, athlètes ou pas, pour qu’ils performent là où ils ont les meilleures capacités. Il s’agirait d’abord définir notre profil-type, à l’aide de tests plus spécifiques que le seul test maximal progressif basique utilisé à tout-va. Ensuite, ces tests devraient être administrés sur une base plus régulière. Puis, les résultats obtenus devraient être exploités correctement, pour que tout ce beau monde évite de stagner ou de passer à côté de ses rêves sportifs.

Quatre tests spécifiques

Pour entraîner les sportifs, les athlètes comme les amateurs et les débutants (oui oui), Daniel Mercier recommande de tester chaque personne à différents lieux de la performance. De cette façon, l’entraîneur ou le kinésiologue peut discerner à quel(s) endroit(s) son client performe et à quel(s) endroit(s) il pourrait s’améliorer. Le sportif en sort non seulement meilleur, mais il peut aussi concentrer son énergie là où sa discipline le requiert.

Pour optimiser la performance, Daniel Mercier recommande quatre tests qui couvrent différentes intensités du spectre de l’aérobie et de l’anaérobie.

 

Puissance maximale

Tout en haut du spectre de l’intensité figure le système anaérobie alactique. Daniel Mercier suggère de se baser sur un 50 mètres arrêté sur piste ou sur route. Ce test permet d’évaluer notre puissance maximale et notre vitesse avant que ça commence à faire mal, ou plutôt avant que l’acide lactique ne soit présente en trop grande quantité dans notre organisme.

 

Capacité anaérobie maximale

Dans la courbe, Daniel Mercier souhaite évaluer le système anaérobie lactique. Pour ce type d’effort, il se crée un concours entre d’une part la transformation d’unités glycosyl « produisant » de l’ATP et d’autre part, le système aérobie. À ce stade – sous une minute – les deux systèmes sont sollicités très souvent en leur maximum. L’objectif est d’en mesurer la réponse, à l’heure où les deux systèmes se chevauchent en quelque sorte.

Pour ce faire, notre expert utilise un test de sa fabrication, qu’il appelle le test « 50/3/50 », qui consiste à faire deux efforts maximaux 50 secondes, entrecoupés de 3 minutes de repos. Sinon, le bon vieux test du 400 mètres sur piste est aussi privilégié.

 

Puissance/Vitesse maximale aérobie (PAM/VAM)

Ce test est sans doute le plus connu de tous. Il en existe plusieurs, dont le test Léger-Boucher et le test de Cooper. Il vise à mesurer notre capacité maximale aérobie : quelle vitesse (en course à pied) ou puissance (à vélo) l’on est capables de maintenir sans défaillir, en utilisant l’oxygène comme principal carburant?

Pour évaluer, Daniel Mercier recommande le très connu test Léger-Boucher sur piste, ou encore un test de sa concoction : le test « 3-3 », qui vise à courir pendant 3 minutes, suivies de 3 minutes d’arrêt, puis de recourir 3 minutes en augmentant d’1,5 METs à chaque palier… « jusqu’à ce que mort s’ensuive »! La différence de ce test d’avec le Léger-Boucher est que celui-ci, plutôt que de progresser sans pause entre les paliers, amène la composante de la capacité de récupération, laquelle doit aussi être prise en compte dans la programmation d’un plan d’entraînement.

 

Endurance aérobie

Le dernier test qui vient compléter la courbe est un test d’endurance aérobie. Notre expert s’en sert pour évaluer notre capacité à courir ou pédaler à une intensité continue en utilisant notre système aérobie (l’oxygène). En fonction de notre objectif, on peut être testés sur un effort d’une trentaine de minutes, voire sur un 10K ou même plus, pour tester notre aptitude à maintenir une vitesse élevée sur une distance ou un temps donnés.

 

Ces quatre tests visent à disperser des points le long de notre courbe de puissance, d’intensité, en fonction de la durée, comme on le voit sur le graphique ci-dessus. « Plus on a de données, plus on est à même de prescrire un entraînement adéquat à notre client », résume Daniel Mercier. L’objectif ensuite est de travailler les aspects qui demandent plus d’amélioration et d’assurer les bases déjà acquises, en optimisant l’énergie dépensée, notre volume total, notre temps…

Faudrait-il tester davantage les jeunes et les sportifs québécois? Pour Daniel Mercier, la réponse est claire : oui. Sans exagération cependant… L’expert suggère d’intégrer au moins deux tests pour les jeunes qui font du sport de façon régulière, inscrits dans des clubs ou participant à des activités sportives organisées. Ce suivi permettrait de déceler les failles possibles dans le développement de certaines qualités reliées à leur sport, ainsi que de mieux préciser les disciplines dans lesquelles ils seraient susceptibles de performer et d’avoir du plaisir.

Du côté des adultes qui souhaitent se lancer dans une pratique sportive, mieux tester est synonyme de mieux s’entraîner. Une personne qui connaît son profil-type est en mesure de mieux utiliser son temps et de performer davantage.

 

Et vous, ça vous parle?

 

Lire la partie 1 :
Volume et intensité en entraînement – Trouver le bon combo  

 

 

Pour aller plus loin…

 

« Le fameux plateau en entraînement »
Un article pour comprendre les principes de base de la périodisation.

« La course utilitaire »
Un article pour intégrer plus de volume en entraînement… de façon utile!

« (Re)commencer à courir autrement »
Un guide pour débuter la course ou reprendre après une blessure.

Daniel Mercier sur LinkedIn

Chaîne YouTube d’Activity Lab

 

 

 

Par : Ariane Patenaude, B.Sc Kinésiologie

* Nous utilisons le masculin dans le texte dans le but d’alléger celui-ci.
1 Pour en savoir plus, voici le lien vers le vidéo de ProfilDM –>  https://www.youtube.com/watch?v=Wx3ml5gQ5QY
Photo En-tête : Quang Nguyen Vinh de Pexels  Ι   Photos :  Daniel Mercier