Retour

Volume et intensité en entraînement – Trouver le bon combo (1/2)

Vélo, ski de fond, natation, course à pied… Les sports d’endurance individuels ont mauvaise réputation. Considérés souvent à tort comme des sports « individualistes », ils sont associés à du temps long, passé seul* ou avec de rares coéquipiers du même calibre. L’investissement y est colossal, surtout chez ceux qui cumulent en parallèle des activités professionnelle et familiale déjà prégnantes.

Photo : Daniel Mercier

De nos jours, (s’)investir dans un sport d’endurance, ça veut dire trouver un programme d’entraînement qui s’adapte au rythme soutenu de notre mode de vie contemporain. Chez Boutique Courir, ça nous parle… Nous avons contacté Daniel Mercier, co-fondateur d’Activity Lab et collaborateur de longue date, afin de mettre à jour certains mythes en entraînement.

Ensemble, nous avons passé au crible la question du VOLUME d’entraînement, autrement dit la quantité totale de temps que l’on devrait allouer à l’entraînement lorsqu’on pratique un sport d’endurance. De plus, Daniel nous a donné des conseils sur les façons d’imbriquer ce volume dans nos vies à cent à l’heure : QUOI FAIRE, en termes de distribution de l’intensité sur un cycle d’entraînement court, moyen et long.

 

Le volume d’entraînement

Les sports d’endurance comme le ski de fond, le vélo, la course et la natation souffrent d’une réputation de sports « de gros volume ». Encore aujourd’hui, on croit que pour devenir bon sur des longues distances, il faut faire de longues distances… souvent… tout le temps. Ce n’est pas complètement faux. Seulement…

On se trompe de vocabulaire – Daniel Mercier

Comme le rappelle Daniel Mercier, ce qu’on appelle à tort le « volume », compris comme une partie de l’entraînement où l’on s’active entre 60 et 70% de notre VO2 max1, est en fait de l’entraînement à basse intensité. Le volume, c’est plutôt la charge totale d’entraînement – comptée le plus souvent en heures et paramétrée en fonction de l’intensité – sur une période d’entraînement donnée appelée cycle. Celui-ci peut être court (des jours, une semaine – le microcycle), moyen (des groupes de jours ou de semaines – le mésocycle) ou long (des mois, des groupes de mois – le macrocycle).

« Jadis, on faisait les choses à l’envers », dit Daniel Mercier. On partait du volume maximum théorique requis pour atteindre son objectif et on s’entraînait en pourcentage de ce maximum théorique sur tout le cycle d’entraînement ».

Le hic avec cette configuration, c’est qu’elle ne prend pas en compte le personnage principal dans l’histoire : le sportif. En l’occurrence, le sportif amateur, dont le cumul des activités non reliées à la pratique sportive a longtemps été honni dans la balance. Lentement mais sûrement, les scientifiques revoient leur copie et présentent des solutions en entraînement pour les gens « normaux » et « occupés ». Parmi celles-ci, le volume total, qui prend moins d’importance, notamment sur les distances de compétition plus courtes comme le sprint ou le demi-fond en course à pied.

 

 

S’entraîner moins, mais mieux

Surtout, les entraîneurs de la nouvelle génération fonctionnent avec un savoir et des outils évolués : « on se demande d’abord quel type d’athlète est en face de nous, combien de temps il peut consacrer à son entraînement, quels sont les moyens dont il dispose? Partant d’une démarche d’entraînement globalisante, autour des aspects physiques, psychologiques et environnementaux, on bâtit aujourd’hui des programmes en s’adaptant aux contraintes de l’athlète, plutôt que l’inverse. »

Par exemple, déjà en 1999, Gaskill et al., découvraient que, sur une population de fondeurs observés pendant deux ans, seule une moitié du groupe répondait bien à l’entraînement de haut volume traditionnel qui leur était prescrit. Quant à l’autre moitié du groupe, elle donnait déjà après un an des signes de surentraînement.

À la deuxième moitié du groupe, ils modifièrent le plan en augmentant l’intensité et en diminuant le nombre d’heures totales entraînées (le volume, donc). À la fin de la deuxième année, la moitié des fondeurs ayant bénéficié d’une réduction de son volume et d’une augmentation de l’intensité d’entraînement « montrèrent des améliorations plus significatives »2 comparativement à la première moitié du groupe. Pour cette seconde moitié du groupe, on s’est donc rendus compte que s’entraîner moins, mais mieux, améliorait les performances.

 

Construire une base stable

Cela dit, gare aux extrêmes et aux raccourcis intellectuels! S’entraîner à basse intensité reste utile pour les athlètes, tout comme pour les débutants. Entre autres bénéfices, les entraînements « continus et lents » (ECL, aussi appelés « long slow distance »3) aident à l’acquisition d’une meilleure technique, à la construction de l’endurance aérobie, à l’assimilation des lipides comme substrats énergétiques. Surtout, ils mettent en place une base, à partir de laquelle les athlètes peuvent construire des séances plus intenses, puis vers laquelle ils peuvent revenir à la fin d’un cycle d’entraînement. 

D’ailleurs, la configuration 80/20 de l’entraînement a la couenne dure. Celle-ci suppose que 80% de la charge totale d’entraînement soit dédiée aux ECL, et le reste à l’intensité. Une revue de la littérature l’atteste : « dans une perspective à long terme », le schéma d’entraînement qui prédomine est celui « de l’entraînement de longue durée à basse intensité », auquel on combine quelques « séquences courtes de haute intensité », plutôt que de « mettre l’emphase sur l’entraînement par intervalles de haute intensité »4 en premier lieu.

Avec le recul, on comprend que ces recommandations se valent pour une population bien ciblée, soit celle qui est bien souvent utilisée pour ces mêmes études : les « professionnels ». L’expérience aidant et la disponibilité à l’entraînement fait que pour cette population, il vaut mieux se construire une base de volume à basse intensité, à laquelle greffer des moments d’intensité ponctuels en préparation d’un objectif compétitif, plutôt que de tomber tout de suite dans une configuration où l’intensité prédomine.

Si ce précepte se vaut pour les athlètes bien entraînés, en est-il de même pour les sportifs récréatifs? À partir de quel moment est-il nécessaire d’insérer de l’intensité dans l’entraînement? Et surtout, à quelle dose? Nous le verrons sur un article du même dossier consacré à l’intensité en entraînement.

 

Une intensité bien dosée

Maintenant que nous avons fait la paix avec la basse intensité en entraînement, penchons-nous sur la haute intensité. Comprise entre 70% et plus de 150% du VO2 max, une intensité bien administrée aide à l’acquisition de la vitesse, d’un meilleur rendement, d’une meilleure technique, d’une plus grande capacité cardiovasculaire, d’un plus grand volume ventriculaire, et j’en passe…

En somme, de l’intensité oui, mais pas n’importe comment. Les répétitions courtes et intenses, par exemple, sont placées après un échauffement adéquat et alternées entre des courts moments de récupération passive ou active. La longueur des intervalles varie selon l’intensité et l’objectif de la séance. D’ailleurs, Boutique Courir met à disposition un plan d’entraînement général de course pour les gens qui souhaitent progresser en sécurité.

Si les intervalles sont surtout le lot des athlètes qui veulent progresser en compétition, ils bénéficient aussi à ceux dont l’objectif principal se trouve ailleurs. À ce titre, Martin Lussier et Pierre-Mary Toussaint soulignent l’intérêt, tant pour les sportifs élites que récréatifs, d’augmenter la part du gâteau consacrée à la pratique plus intense de son sport : « quand les intervalles ont le dessus », vous améliorez non seulement votre « performance », mais aussi votre « potentiel de perte de graisse », votre entraînement est « plus efficace en moins de temps », sans compter « l’effet marqué sur les aspects de la santé »5.

 

Une charge revisitée pour tous

Daniel Mercier nous livre ce que serait selon lui la « pizza idéale », soit la répartition du volume total d’entraînement, en temps et non en distance sur une période donnée, que les sportifs amateurs auraient avantage à considérer6.

Exemple pour une semaine d’entraînement (un microcycle)

 

25% Haute intensité >85% de la VMA/PMA

Sur une semaine, on compte idéalement une ou deux séances comportant des répétitions à des vitesses au-delà de 85% de la vitesse (course) ou de la puissance (vélo) maximale aérobie (VMA ou PMA). En fonction du pourcentage d’intensité, le nombre d’intervalles, la durée de mise en tension et la durée de récupération varient.

 

25% Endurance active 70-100% de la VMA/PMA

Une majorité de personnes pourrait reléguer cette portion de la pizza dans la même catégorie que l’endurance fondamentale. Ce serait possible, mais il peut aussi en être autrement : sur une semaine, on peut ajouter une ou deux séances comportant des « jeux de vitesse » (les bons vieux fartleks), des entraînement continus rapides (ECR ou séances « tempo », avec une ou deux séquences correspondant à la vitesse de compétition imbriquées à l’intérieur de la sortie longue), etc. Soyez créatifs!

 

25% Endurance fondamentale 60-70% de la VMA/PMA

La bonne vieille « sortie longue » comme on l’aime, ou parfois d’autres sorties moins longues. Une à trois fois par semaine, l’entraînement continu lent (ECL) ne sert pas qu’à faire le tour de tous les cafés de la ville (bonjour les cyclistes)! Il sert aussi à bâtir l’endurance musculaire et la capacité d’oxygénation des muscles sur des distances plus longues. Si vous vous entraînez pour une compétition, c’est le moment de tester vos apports nutritionnels en course, de mettre à l’épreuve votre transit intestinal, ou simplement faire jouer votre liste de lecture favorite.

 

25% Renforcement musculaire

Une ou deux fois par semaine, on passe en revue la force, la coordination, l’équilibre, la mobilité, la puissance à travers des séances de renfocement musculaire en ciblant les zones un peu oubliées du corps. Les muscles stabilisateurs des articulations, le gainage abdominal ET dorsal, les hanches, le dos, les bras, etc. C’est le moment de scruter d’un peu plus près la mécanique corporelle à travers des mouvements ciblés (ou pas, juste pour se changer des idées). Sans oublier les ergomètres complémentaires qui font en sorte de compléter votre volume total d’entraînement, les chocs de la course en moins (course dans l’eau, elliptique, marches, etc.).

 

Oui mais moi je suis débutant

Daniel Mercier est catégorique : qu’ils soient sprinteurs, fondeurs, coureurs de cross-country, ultra-traileurs ou débutants, les proportions de la pizza ne bougent presque pas (sauf pour les sportifs professionnels qui, on l’a dit, on plus de temps à consacrer à leur entraînement). Moyennant quelques différences individuelles et de rapport à l’intensité de l’entraînement, la seule variable qui change, c’est la quantité totale de volume à la fin de la semaine, laquelle sera logiquement plus élevée pour les pros (qui vont plus vite et donc plus loin que les amateurs).

Pour les débutants, c’est la même chose : nul n’est besoin d’être grand sportif pour avoir une pizza toute garnie! Au tout début de la pratique, l’intensité prend la forme d’un entraînement continu lent et d’un renforcement musculaire dédié à la prévention des blessures, alternés avec des périodes de récupération. En augmentant un paramètre d’entraînement à la fois à chaque semaine – fréquence des séances, vitesse de course, temps de course – le volume s’accroît logiquement aussi, sans que cela ne paraisse.

Une fois que le volume atteint un niveau appréciable, d’autres paramètres peuvent entrer dans la pizza : le type d’entraînement – intervalles, renforcement musculaire, entraînement croisé – s’incrustent alors à la place de l’entraînement continu lent. C’est là que des améliorations peuvent surgir et que votre pizza se fournit!

 

Trouver le bon combo

N’en déplaise à certains, il n’existe pas de recette miracle ni de nombre de kilomètres minimal ou maximal pour s’entraîner. Comme le rappelle Daniel Mercier, il faut « démarrer avec le sportif d’abord, pour ensuite construire autour ». Cela suppose de prendre en compte toutes les variables individuelles – poids, taille, âge, résistance au stress, blessures, vie personnelle, horaire, environnement, moyens, etc. – et de mettre ces aspects en priorité sur l’objectif sportif.

 

À vos agendas!

Pour trouver le bon combo d’optimisation vie/entraînement, commencez d’abord par écrire votre emploi du temps. Faites en sorte de ne rien omettre, rendez-vous, soirées, temps libre, trajets en transport inclus. Que reste-t-il?

En fonction de votre objectif, tentez d’imbriquer un minimum de trois séances « de qualité » et de volume raisonnables pour commencer, afin que la pratique influence positivement votre vie et non l’inverse. Nous vous invitons à lire notre article sur la fatigue pour comprendre les mécanismes qui sont en jeu dans la progression de l’entraînement.

Si vous avez atteint un niveau suffisant pour augmenter le nombre de séances par semaine, vous pourriez avoir besoin d’un coup de pouce pour planifier tout cela. N’hésitez pas à faire appel à un ou une kinésiologue, qui vous aidera à voir plus clair dans la planification de votre entraînement et dans les manières de l’insérer dans votre vie.

 

Lire la suite du dossier… 

 

Pour aller plus loin…

« Le fameux plateau en entraînement »
Un article pour comprendre les principes de base de la périodisation.

« La course utilitaire »
Un article pour intégrer plus de volume en entraînement… de façon utile!

« (Re)commencer à courir autrement »
Un guide pour débuter la course ou reprendre après une blessure.

Daniel Mercier sur LinkedIn

Chaîne YouTube d’Activity Lab

 

 

Par : Ariane Patenaude, B.Sc Kinésiologie

*Nous utilisons le masculin dans le texte dans le but d’alléger celui-ci (le texte, bien sûr).

 

Sources :
1 VO2 max = volume d’oxygène maximal, compris comme la consommation maximale d’oxygène des muscles lors de l’effort maximal.
2 Gaskill SE, Serfass RC, Bacharach DW, et al. Responses to training in cross-country skiers. Med Sci Sports Exerc. 1999;31:1211–1217.
3 Long slow distance (LSD), endurance fondamentale, qui correspond à 60-70% du VO2 max.
4 Traduction libre : Training intensiication studies performed on already well-trained athletes do not provide any convincing evidence that a greater emphasis on high-intensity interval training in this highly trained athlete population gives long-term performance gains. The predominance of low-intensity, long-duration training, in combination with fewer, highly intensive bouts may be complementary in terms of optimizing adaptive signaling and technical mastery at an acceptable level of stress.
Seiler, Stephen, « What is best practice for training intensity and duration distribution in endurance athletes? », dans International Journal of Sports Physiology and Performance, 2010, 5, 276-291, © Human Kinetics, Inc. Consulté le 16/02/2022. Disponible en ligne : [https://www.academia.edu/32019150/What_is_best_practice_for_training_intensity_and_duration_distribution_in_endurance_athletes?bulkDownload=thisPaper-topRelated-sameAuthor-citingThis-citedByThis-secondOrderCitations&from=cover_page].
5 Lussier, Martin, Toussaint, Pierre-Mary, Mythes et réalités sur la course à pied, Montréal : Les Éditions de l’Homme, 2014, p.55
6 Pour les « professionnels », la proportion en endurance fondamentale devrait être plus élevée que 25%, tout simplement parce qu’ils ont beaucoup plus de temps à consacrer à leur entraînement.

 

Photo1 : (header) beau-runsten de Unspash  Ι  Photo 2 : ketut subiyanto de pexels