L’autre jour, vous avez vu votre voisine – elle qui se disait si casanière – revenir à la maison sur son vélo. Accroché à son guidon, un panier rempli de victuailles témoignait d’une liste de courses vite et bien faites.
Comme pour votre voisinage, ce printemps de déconfinement vous a peut-être amené1 à revoir vos habitudes de déplacement : sorti de la remise, votre vieux vélo a fait peau neuve. Certains ont découvert un nouveau sport, d’autres ont opté pour faire leurs déplacements quotidiens à vélo. Dans un cas comme dans l’autre, la bécane s’est (re)faite une place dans la vie de nombreux citadins. Et pour faire face à cette vague de cycles, plusieurs grandes villes canadiennes2 revoient actuellement leur copie, élargissant et pérennisant la place des vélos et des piétons sur la voie publique.
Pour prolonger le plaisir, peut-être pour faire en sorte que l’été qui tire à sa fin ne présage pas d’un retour en force des voitures dans l’espace public, d’aucuns seront tentés de tenter l’expérience d’une saison d’hiver sur deux roues.
Un point sur la situation du vélo en ville
Qui dit « hiver au Québec » dit forcément « neige ». Néanmoins, cette neige s’accumule plus ou moins, si on habite dans un village ou dans une ville. Vous l’aurez deviné : histoire de choix, de société, de nombre de pistes cyclables aménagées, mais aussi de budget… ça déneige plus en ville qu’en périphérie. Ce sont, entre bien d’autres, les raisons pour lesquelles une avenue en ville sera plus rapidement roulable après une tempête qu’à la campagne ou en banlieue.
En ville, le nombre de cyclistes qui se déplacent à vélo est plus grand qu’en milieu rural. Face à la pression des groupes cyclistes, une grande ville prévoit plus d’aménagements et de services en hiver que peuvent le faire les banlieues, dont les routes sont plus utilisées par les voitures et où, bien malheureusement, le vélo est encore considéré par la majorité comme un loisir plutôt qu’un réel moyen de transport.
Ensuite, pour ceux à qui la pratique du vélo en hiver inspire un sentiment de danger, Montréal s’impose comme une ville de plus en plus rassurante pour les modes de transport alternatifs à la voiture. En témoignent les chiffres, de moins en moins nombreux, des décès impliquant les cyclistes. Suzanne Lareau, p.-d.g. de Vélo Québec, y voit le fruit des mesures entreprises depuis une décennie : « l’amélioration des aménagements cyclistes et les mesures d’apaisement de la circulation, que ce soit des dos d’âne ou des saillies de trottoir »3, ont certainement contribué à rendre la métropole plus accueillante pour ses habitants.
Le vélo
Rouler en hiver est possible avec presque tous les types de vélos. Vous verrez qu’à terme, une règle surplombe toutes les autres, c’est la règle du GBS (« gros bon sens »)! Voyez notre article sur le vélo en ville pour vous aiguiller dans votre choix.
Le cadre
Beaucoup de cyclistes aguerris préfèrent rouler l’hiver avec leur « mulet », vieux vélo de peu de valeur, afin de préserver leur « bête de course ». En effet, l’hiver à vélo, c’est la certitude de se coller au sel, au calcium, à l’eau, à la « sloche », aux cailloux et à la boue qui agrémentent le sol des villes, lesquels à terme usent le vélo et ses composants. Optez donc pour un cadre de vélo robuste et confortable. L’acier, par exemple, est prisé pour son confort et sa facilité de réparation, alors que l’aluminium, plus rigide, est préféré pour sa légèreté.
Les pneus
Certains ne jurent que par les pneus minces, qui « fendent » plus facilement les plots de neige. D’autres n’hésitent pas à enfourcher leur vélo de montagne ou leur fatbike, dont les pneus très larges amènent une tranquillité d’esprit. Qu’ils soient larges ou minces, les pneus à crampons sont vos alliés. « S’ils sont cloutés, c’est encore mieux », atteste Richard, chef d’atelier chez Boutique Courir Montréal, qui n’hésite pas à sortir même après le verglas. Les clous assurent au cycliste de bien coller à la chaussée, alors que les crampons simples, s’ils « grippent » dans la neige, glissent autant que les pneus lisses sur les surfaces glacées.
La transmission (ou pas)
Comme nous le disions dans notre article sur le vélo de ville, l’avantage d’avoir plusieurs vitesses, c’est l’assurance de pouvoir passer au travers des quelques buttes qui jalonnent votre itinéraire maison-travail sans trop de peine. Durant la saison froide, à la fatigue d’une fin de journée au boulot s’additionnent le devoir de vigilance et les obstacles que seul le bon vieil hiver québécois sait mettre sur notre chemin. On est content, dans ces conditions, d’avoir encore quelques vitesses en réserve pour appréhender la route.
Par ailleurs, d’autres trouveront leur tranquillité d’esprit dans la situation inverse : une seule vitesse au compteur, sous forme de pignon fixe ou vélo à une seule vitesse : c’est la garantie de ne jamais se soucier d’un déraillement de chaîne, de vitesses bloquées ou de dérailleur brisé.
Le guidon
Guidon, quand tu nous tiens… On le préfère plat, car plus maniable, mais pas trop large, pour éviter les accrochages. Par ailleurs, un guidon courbé de route permet de changer plus souvent de positions, surtout lors des voyages plus longs.
Les pédales
Encore une fois, cela dépend du cycliste… Les pédales automatiques ou à « clips » permettent d’être plus efficace en roulant – surtout en montée – mais demandent un budget supplémentaire (pour les chaussures qui vont avec), ainsi qu’un petit temps d’adaptation avant de les adopter complètement. Les pédales plates restent l’option la plus plébiscitée, avec la possibilité de les surmonter de cale-pieds, pour un même rendement et sans chichi.
S’habiller en hiver
Selon la distance à parcourir et les installations sanitaires au bureau, certaines personnes préfèrent, avec raison, porter des vêtements différents que ceux du boulot pour voyager. En effet, plus la distance vers votre lieu de travail est longue, plus les risques sont élevés pour que vous arriviez trempé à la réunion du matin!
En automne et au printemps, piger dans la panoplie du cyclotouriste et ajuster selon la météo est chose facile. Par contre, ça se gâte vers la fin octobre, quand la température commence à baisser sérieusement…
Il n’y a pas de mauvaise température. Il y a seulement de mauvais vêtements!
Comme le dit Richard, pour peu que vous soyez bien habillé et équipé, (presque) aucune condition météorologique ne peut vous arrêter. Lorsque le froid s’invite dans le quotidien, les mêmes règles d’habillement s’appliquent pour les cyclistes urbains que pour les sportifs de plein air… à quelques détails près.
Protégez vos extrémités
- Plus que tout autre moyen de transport, le vélo est de loin le plus exposé au facteur de refroidissement éolien. Il est primordial de se couvrir les extrémités – orteils, doigts, cou, tête, oreilles, nez et bouche : non seulement la chaleur s’y échappe plus qu’ailleurs, mais c’est aussi par les extrémités les plus distales que le sang est le moins irrigué. Il y a donc par-là plus de risques d’engelure.
- Prenez l’habitude de distinguer la fameuse « température ressentie », car c’est surtout par celle-ci que vous constituerez votre garde-robe pour la journée. Si les risques d’engelure accroissent considérablement à partir de -25°C, une température « officielle » peut en cacher une autre, en fait beaucoup plus basse, conséquence du refroidissement éolien.
Équipez-vous intelligemment
- Si vous voulez être confortable lors de vos déplacements en ville, vous avez tout à gagner de comprendre les mécanismes de production de la chaleur qui sont à l’oeuvre. Savoir anticiper la réaction du corps au froid vous permettra de bien vous équiper, en respectant le système des trois (ou quatre) couches. Mieux vaut sortir avec plusieurs couches minces et techniques, faciles à mettre ou à enlever au gré de votre allure et du parcours, que de n’avoir qu’une seule pelure épaisse qui s’humidifie et perd ses propriétés isolantes.
Aussi, prenez en compte que le transport à vélo n’est pas aussi intense que le vélo sportif. À moins d’intégrer vos déplacements à votre planification d’entraînement, vous ne dépensez pas autant d’énergie sur vos trajets maison-boulot que lors de vos sorties cyclistes. Puisque celui-ci est en général moins demandant physiquement que lorsque pratiqué sous forme de séance d’entraînement, en plus d’être sujet à plus de variabilités météorologiques, le transport à vélo requiert un équipement chaud, robuste et durable.
La liste de nos experts
Voici une liste non exhaustive d’articles que vous pourriez considérer pour prolonger votre saison de déplacement à vélo, des couches extérieures vers les couches intérieures :
Les accessoires
- Casque : Choisissez-le en fonction de votre morphologie et du degré d’isolation souhaité. Plus il a d’ouvertures, plus il est aéré. En contrepartie, les casques aérés prennent plus facilement l’eau (et donc le vent froid) que les casques fermés ou moins aérés.
- Couvre-casque ou casquette cycliste : Pour protéger la tête de l’eau et du froid. La visière de la casquette est utile pour protéger les yeux de la pluie. Certains casques sont conçus avec une visière.
- Lunettes de soleil : Les lunettes ne protègent pas que du soleil. Elles protègent du vent, des gouttes de pluie, de la neige, de l’eau et même… de la pénombre! Certaines sont vendues avec des verres interchangeables : en plus des solaires traditionnels, les verres transparents et/ou colorés jaune/orange, magnifient les couleurs par temps gris. Dans le blizzard, certaines personnes mettent carrément les lunettes de ski! Loin d’être une hérésie, ces dernières protègent et isolent les yeux, à rendre n’importe qui jaloux quand la tempête de neige s’annonce.
- Bandeau, cache-oreilles ou casquette avec cache-oreilles : Protéger ses oreilles est un objet de confort indéniable. Certaines casquettes sont dotées d’empiècements pour les oreilles, ce qui n’est pas un luxe à -30°C.
- Cache-cou : Plusieurs matériaux et épaisseurs existent, de la laine mérinos aux fibres synthétiques. Privilégiez un cache-cou mince, pour éviter que la chaleur se transforme en humidité (froide) et ne reste bloquée sous vos couches de protection.
- Gants ou mitaines ou gants de type « homard » : Quand il fait très froid, on a tendance à préférer les mitaines qui gardent les doigts ensemble… Pas très pratique quand on a besoin de garder un ou deux doigts sur le levier de frein en même temps que le guidon. Un bon compromis est celui du gant de ski de fond de type « homard », qui tient les couples index/majeur et annulaire/auriculaire en deux seules caches plutôt qu’en séparant chaque doigt individuellement. N’hésitez pas à jouer les multicouches aussi avec les mains : des options de coquilles imperméables couplées à des sous-couches isolantes existent aussi dans le monde des gants.
- Couvre-chaussures : En fonction de votre choix d’accessoires, des couvre-chaussures s’avèrent utiles par temps de pluie ou de froid, si les bottes ou les chaussures ne sont pas isolées ou imperméables.
- Cache-nez ou masque : Détrompez-vous, ils existaient bien avant la Covid19! Les cache-nez sont des armes de choix contre les engelures sur le nez et la bouche.
La couche extérieure
- Coupe-vent / Softshell / Imperméable à manches longues : Puisque le mercure québécois varie énormément, il se peut que vous deviez varier aussi les manteaux. Le coupe-vent est excellent au-dessus de 0°C. Le softshell est idéal en hiver, car il est respirant tout en protégeant des intempéries. S’il pleut, choisissez un imperméable avec plusieurs ouvertures pour l’aération.
- Pantalon de pluie : Lorsqu’il pleut, l’avant des cuisses et les chevilles sont les plus touchés par l’eau.
- Guêtres : Pour protéger les chaussettes et le bas des pantalons de l’eau et de la boue.
- Bottes ou chaussures imperméables : Privilégiez des chaussures qui s’enfilent rapidement. Évitez les zips, qui peuvent être bloqués par le sel et le calcium. Pensez aussi à l’isolation, car les chaussettes chaudes ne suffisent pas toujours par très grand froid.
Les couches intérieures
- Une première couche : En fonction de la température extérieure, il peut s’agir d’une ou de deux épaisseurs : un chandail à manches longues, en fibres synthétiques ou animales comme la laine mérinos. Elle sert à évacuer la transpiration à l’extérieur tout en gardant le corps au sec.
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Une deuxième couche : C’est la bonne vieille polaire ou la doudoune pas trop mince, dont l’attribut principal est de garder la chaleur près du corps.
- Une troisième couche : Voir le paragraphe ci-dessus pour la couche extérieure. Celle-ci a fonction de protection contre les éléments.
- Un cuissard : Pour les gens qui font une bonne distance entre le travail et la maison, le cuissard doté d’un chamois dense apporte un degré de confort indéniable. Il en existe des longs et isolés, ou encore courts, par-dessus lesquels on peut ajouter un collant molletonné.
- Des chaussettes : Pas besoin de vous faire un dessin… Plus elles sont épaisses, plus elles sont chaudes.
Que vous optiez de prolonger votre saison de quelques semaines de plus ou de passer à travers l’hiver à vélo, vous aurez tout le temps nécessaire pour tester les associations de pelures et accessoires. Chaque être humain est unique. En matière de vêtements d’extérieur, il y a autant de possibilités que de trajets… et de tempéraments.
Sources :