Dans les précédents textes de ce dossier, vous avez compris que le seuil d’usure de la chaussure de course était sujet à de nombreuses interprétations. Ensuite, vous avez passé en revue les principaux facteurs externes de l’usure des chaussures de course, c’est-à-dire ceux qui ne proviennent pas de la qualité de votre entraînement, mais plutôt de l’environnement, des matériaux de la chaussure, de votre patron moteur, etc.
Comme le démontre une étude effectuée auprès de coureurs récréatifs*, 58,5% d’entre eux attribuent l’origine de leurs blessures à un choix non adapté de chaussure de course11. Bien qu’aucun lien direct de causalité entre le type de chaussure et les blessures en course à pied n’ait été clairement démontré, cette étude illustre bien que les croyances sont tenaces : les coureurs mettent souvent leur chaussure de course en cause dans l’apparition d’une blessure, plutôt que de remettre en cause leur entraînement ou leur comportement.
Dans ce dernier texte du dossier sur la durée de vie des chaussures de course, nous nous mettons à la place du consommateur que vous êtes : sur quels critères se baser dans l’achat d’une chaussure de course? Nous vous donnons quelques trucs pour bien choisir votre paire préférée.
Adoptez les bons réflexes
Allez dans un magasin spécialisé
Vous êtes dans un magasin de sport lambda. On vous passe une chaussure de marque inconnue : « et si on lui donnait sa chance? », vous dites-vous en admirant ses belles lignes de vitesse. Les lacets ne glissent pas et le tricot de la tige enserre votre pied à la perfection. Après des années de recherches infructueuses, auriez-vous enfin trouvé le saint Graal?
Les jours passent. Très vite, vous remarquez que quelque chose cloche. L’empeigne robuste de la première heure s’affaisse maintenant du côté de la voûte plantaire au point de passer par-dessus la semelle. Pire, l’interstice entre les lacets rétrécit dangereusement. Vous n’aurez bientôt plus de « jeu » pour serrer plus…
Ces anecdotes vous sont-elles déjà arrivées? Si oui, vous n’êtes pas seul. Et oui, il y a des solutions. Choisir une chaussure qui respecte votre foulée, votre taille de pied, vos objectifs, vous évite certains problèmes qui peuvent être réglés en amont. Et cela, ça commence au seuil du magasin.
Faites-vous conseiller
Vous avez franchi la porte d’un magasin de sport spécialisé. Bravo! Maintenant, laissez-vous guider. D’abord, on vous posera des questions sur votre pratique, vos habitudes en course. Ensuite, on vous fera courir avec une chaussure pour voir comment votre pied se comporte…
Une fois mis en confiance, vous testerez plusieurs modèles de chaussures. Vous serez renseigné sur les particularités de chacun et serez aiguillé sur le type de chaussure qui vous convient à VOUS.
Soyez attentifs aux fausses interprétations
Certains arguments marketing essaient de vous vendre l’idée que d‘alterner entre des chaussures différentes permettrait de faire « reposer » les matériaux et de prolonger les semelles dans le temps. Cela est FAUX… Ou plutôt, on prend le sujet du mauvais angle12.
Achetons par exemple trois paires de chaussures de course. Il va de soi que chaque paire de ce trio s’usera plus lentement si on l’utilise une fois toutes les trois séances. En revanche, cela n’aura aucun effet « régénérateur » sur le matériau de la semelle en tant que tel. Cette dernière s’usera plus lentement, certes, mais elles s’usera. Quoi qu’il arrive.
Le problème est plutôt à prendre du point de vue du coureur et de prévention des blessures d’usure en course à pied. En effet, ce n’est pas la semelle qui se repose entre chaque port, mais bien les muscles associés aux impacts que provoque l’utilisation de cette chaussure qui seront mis au repos.
Ainsi, alterner entre trois paires différentes (par exemple, une chaussure coussinée, une plus mince et une autre plus rigide) sollicite des groupes de muscles différents et/ou différemment. Chaque nouvelle sortie fait aussi en sorte de « changer le mal de place » ou d’alterner les points de pression associés à l’utilisation d’une seule et même chaussure. Cette façon de faire réduit les risques de développer des blessures d’usure associées à la sur-utilisation d’un seul et même groupe de muscles et/ou de type d’entraînement.
Plusieurs coureurs d’expérience ont l’habitude de faire se superposer leurs anciennes et nouvelles paires sur la ligne de temps. Dans cette perspective, changer de types de chaussures peut avoir des bénéfices réels sur le repos musculaire, spécialement si les types de chaussures varient. Autrement plus vrai : c’est la bonne périodisation de l’entraînement, encore plus que la variation des semelles, qui fait la différence.
Et après tout, une chaussure en plus est et sera toujours un coût supplémentaire dans votre budget course.
Densité de la semelle
Trouver un matériau durable qui donne à la fois des sensations de légèreté : c’est là tout l’enjeu de la recherche et du développement dans les usines des équipementiers de sport. Un des principaux buts communs des fabricants : réduire le poids de la chaussure.
Par exemple, il peut arriver qu’une marque lance un modèle avec une semelle très coussinée, mais paradoxalement moins durable qu’un équivalent plus mince et légèrement plus dur. On le voit notamment avec les chaussures de compétition, qui se dégradent au bout de quelques sorties. En contrepartie, les chaussures d’entraînement, un peu plus lourdes certes, restent plus longtemps dans votre quotidien.
Le principe est pourtant simple : une semelle moins dense dure moins longtemps qu’une semelle plus dense… L’idée est d’une logique implacable. Sauf qu’à un moment où le marché propose de plus en plus de chaussures de performance dotées de semelles gigantesques, la notion de durabilité est d’autant plus complexe à déduire.
Petit truc : si vous cherchez une chaussure durable, portez votre attention sur la composition des semelles. Assurez-vous de bien comprendre les critères qui font la différence entre les gammes de chaussures différentes d’une même marque avant de faire votre choix final.
Entretenez vos chaussures
Pour ralentir l’usure de vos chaussures, pensez à les inspecter une fois de temps en temps. En hiver, si le calcium commence à imprégner la tige, passez une brosse douce sur cette dernière pour désincruster les produits chimiques. Entreposez vos chaussures dans un endroit sec après les avoir laissées sécher au préalable de votre retour de sortie.
Évitez de sécher vos chaussures en les posant sur le calorifère. Cela pourrait chauffer et modifier la composition des matériaux synthétiques de vos semelles et de l’empeigne. Pour un séchage plus rapide, fourrez vos chaussures de papier journal. Vous ressortirez ce dernier humide, laissant la chaussure complètement sèche.
Observez vos chaussures
La déformation est l’un des principaux signes visibles que votre chaussure commence à fatiguer… Passé quelques mois d’utilisation, portez votre regard sur votre paire. La tige (le tissu de revêtement qui recouvre et enserre le pied) commence-t-elle à se déformer, se détendre? L’espace entre les lacets se réduit-il plus qu’à l’accoutumée? Des petits trous ont-ils fait leur appartition?
Si oui, notez l’endroit où ces trous sont visibles. Cela pourrait être dû à un mauvais choix de taille ou un modèle ne correspondant pas à la forme de votre pied. En outre, si vous avez la sensation que la tige de votre soulier ne vous enserre ou ne vous protège plus comme avant, c’est parfois un signe qu’il vaut mieux s’en séparer.
Rapportez-nous vos chaussures
Chez Boutique Courir, nous vous encourageons à venir nous voir avec vos anciennes chaussures. Cela nous permet d’une part d’en examiner les signes d’usure comme ceux qui sont énumérés plus haut.
Par ailleurs, en rapportant vos vieux souliers, vous contribuez à chausser une personne dans le besoin via notre service de récupération. Et ça fonctionne aussi pour vos bottes d’hiver, vos chambres à air et vos bouchons de liège!
Passez nous voir en magasin!
Par : Ariane Patenaude, B.Sc Kinésiologie
Sources :
*L’usage du masculin dans le texte vise à alléger ce dernier.
11 Traduction libre : « Nos résultats d’étude démontrent que beaucoup de coureurs croient qu’une chaussure inappropriée pour courir ou ne correspondant pas à leur type de pied pourrait causer des blessures. […] Cependant, le peu d’études ayant mesuré l’influence des chaussures sur les blessures en course à pied montrent des résultats qui contrastent avec l’opinion partagée des coureurs » : Saragiotto, B.T., T.P. Yamato, and A.D. Lopes, What do recreational runners think about risk factors for running injuries? A descriptive study of their beliefs and opinions. Journal of Orthopaedic and Sports Physical Therapy, 2014. 44(10): p. 733-738./ Disponible en ligne : https://www.jospt.org/doi/epdf/10.2519/jospt.2014.5710 [consulté le 18/02/2024].
12 « Why Alternating Between Running Shoes is Beneficial », dans Foot Right Podiatry, disponible en ligne : https://www.footrightpodiatry.com.au/blog/alternate-your-running-shoes [consulté le 10/02/2024].