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La durée de vie chaussures de course [2/3]

Les principaux facteurs d’usure

À moins d’exposer votre soulier de course dans une vitrine, vous savez que dès les premiers kilomètres parcourus, votre chaussure fera face à ses premiers coups, forces, cisaillements, torsions, la menant tôt ou tard à sa déformation inéluctable.

L’utilisation des chaussures de course varie autant que le nombre de coureurs*. Certaines chaussures sont conçues pour répondre à des objectifs spécifiques. Elles n’ont donc pas les mêmes structures ni la même durée de vie. Cela dit, certaines situations précipitent plus rapidement les chaussures à leur fin…

Prendre en compte le type d’altération des chaussures propre aux milieux et aux pratiques vous aidera à vous orienter vers le modèle qui convient à vos besoins et votre usage à venir.

 

Patron moteur de course

Courir avec une chaussure non adaptée à son patron de course mène plus rapidement à la déformation de celle-ci.

Par exemple, courir avec des chaussures neutres alors que vous êtes hyperpronateur7 dégrade plus rapidement la chaussure. Cette dernière étant conçue pour les coureurs neutres8, on suppose que tout coureur qui diffère de ce type de foulée verra sa chaussure s’affaisser plus rapidement que d’ordinaire…

Prendre en compte son patron moteur au moment de choisir sa chaussure est crucial. Prenons un coureur qui atterrirait sur le bout des pieds. S’il choisissait une chaussure avec un fort « drop« 9, parions que celle-ci s’userait beaucoup plus rapidement sur le devant de la semelle. Cette partie du pied étant déjà très mince sur ce type de modèle, tomberait à plat plus vite, tout en laissant intact le talon surcompensé.

 

Force d’impact au sol

Le mot le dit : si l’on tape fort au sol, logiquement la semelle prend plus de coups. Mis en cause dans cette situation : le poids du coureur, mais pas que. On peut être considéré comme un poids plume et taper au sol de façon à user plus vite nos chaussures de course. Par exemple, certaines semelles intercalaires sont si rigides (bonjour les chaussures avec plaque de carbone intégrée) qu’on en perd les sensations de nos pieds au sol.

En effet, une semelle avec une plaque de carbone ou de polymère intégrée est conçue pour porter assistance à la propulsion lors de séances d’entraînement rapide ou en compétition. Dans le dernier cas, les objectifs de performance prennent parfois le dessus sur les sensations musculaires en course… Arborer ce type de chaussure, c’est aussi admettre qu’on ira plus vite que notre vitesse habituelle de course et logiquement, qu’on appuiera plus fort au sol.

Sans surprise, il est admis que les chaussures de compétition avec semelles intercalaires en carbone ou plastique soient à la fois plus rigides et moins durables que leurs consoeurs d’entraînement de longue durée. Pourquoi? Parce qu’on les veut plus légères. Pour réduire leur poids, on utilise des matériaux plus rigides afin de supporter l’impact au sol, mais également moins denses et moins durables que les chaussures d’entraînement.

Hors compétition et donc à vitesse réduite, les chaussures conçues pour la performance imposent un rapport modifié de nos pieds avec le sol. La plaque rigide – servant à la propulsion et pour des vitesses plus rapides – floute le signal des récepteurs cutanés de la plante du pied. Pour compenser, d’autres muscles se mettent en action : on « cherche » davantage le sol sous nos pieds et conséquemment, on appuie parfois plus fort pour retrouver les sensations d’une semelle plus souple à laquelle on est habitués à l’entraînement.

Qu’on soit lourd ou léger, ce genre de situation touche tout le monde. En particulier lorsqu’on est habitué aux semelles minces et que l’on essaie pour la première fois une chaussure dont la semelle est plus épaisse. Dans une perspective de prévention des blessures, les chaussures les plus coussinées pourraient être préconisées pour les entraînements très longs (marathons, ultras, etc.) d’une part. Dans une perspective de performance – mais aussi d’économies d’argent -, les chaussures avec plaques rigides intégrées pourraient être utilisées lors d’entraînements plus rapides (intervalles, compétition, etc.) d’autre part.

 

Fréquence d’utilisation

Le principe se veut d’une logique implacable : plus souvent on court, plus vite on use nos semelles…

Dès le jour 1 de l’achat, une semelle de chaussure de course s’écrasera toujours un peu plus, en fonction de la fréquence à laquelle vous l’utilisez. Rationnellement, choisir une chaussure coussinée ferait en sorte de prolonger la durée de vie de la semelle, vous laissant plus de temps avant de devoir en racheter une nouvelle.

D’un point de vue strictement factuel, si vous alternez entre deux paires, vous userez chacune d’elles deux fois moins vite que si vous n’en aviez qu’une seule.

 

Météo

Des périodes de canicule de plus en plus fréquentes en été jusqu’aux épisodes de verglas en hiver, entrecoupés de gel et de dégel, de gadoue, grésil, ondées,  tempêtes… Ça, c’est le cocktail de base du climat québécois. Ajoutons à cela le sel et le calcium posés sur les trottoirs glissants, la garnotte et le sable qui jonchent le sol si ce n’est pas des plaques de glace…

Peut-être que d’autres parties du globe sont plus clémentes ou au contraire, pires. Par exemple, vivre en bord de mer annonce une météo plus variable et une proximité à l’eau et l’air salins, lesquels usent différemment vos chaussures ainsi que vos vêtements. L’hiver, c’est notre climat à nous. La neige, la « bouette », les roches, les produits chimiques, en plus des variations de températures, jouent un rôle dans l’accélération de l’usure des chaussures de façon générale.

 

 

Surface d’entraînement

Au cocktail météorologique indiqué précédemment, on appose une strate supplémentaire, celle de la surface d’entraînement. Sans surprise, courir sur route ou en sentiers amène une usure différente de vos chaussures.

En course sur route, on s’attend à un type de dégradation au niveau de la semelle, mais aussi de la tige, qui s’aplatissent, s’assouplissent et se déforment en fonction du patron moteur du coureur. La semelle s’use d’abord là où les forces verticales sont les plus élevées : le talon, les métatarses, les orteils, sont généralement les premiers endroits où la semelle se compresse.

En course de sentier, la dégradation est plus marquée que sur la route. Les branches, racines, dévers, rochers, cailloux sont autant d’obstacles sur lesquels on bute… Sans oublier les montées et les descentes. Ces dernières imposent des forces verticales pouvant dépasser trois fois votre poids corporel10.

 

Catégorie de la chaussure

Sur le même thème que la surface d’entraînement, le type d’entraînement va influencer de beaucoup l’usure de votre chaussure. Les chaussures de compétition, plus légères mais aussi moins durables que leurs cousines d’entraînement, sont souvent plébiscitées à tort par des acheteurs en magasin pour une utilisation plus récréative et à basse vitesse.

Certes, souliers de compétition et d’entraînement à haute vitesse sont connus pour leur confort et la structure propulsive de leur semelle intercalaire, lesquels décuplent les sensations de vitesse chez les utilisateurs. Par contre, leur durabilité est réduite, du fait de la moindre densité des matériaux qui les composent.

 

Conclusion

Les pratiques sportives varient énormément… ainsi en est-il des types de chaussures de courses. Connaître quel type de chaussure associer à l’utilisation que vous projetez d’en faire vous fera peut-être économiser de l’argent et de la frustration sur le long terme.

Dans le troisième texte de ce dossier, voyons ensemble les critères à prendre en compte lors de l’achat de sa future chaussure de course.

 

 

 

Par : Ariane Patenaude, B.Sc Kinésiologie

Sources :

*L’usage du masculin dans le texte vise à alléger ce dernier. 
7 L’hyperpronation désigne une tendance exacerbée des pieds à s’écraser vers le centre lors des phases d’appui et de propulsion. Cela peut être le signe d’une compensation, spécialement si l’un des pieds s’écrase plus que l’autre. Cela peut également traduire une faiblesse des muscles stabilisateurs du pied, les fléchisseurs de l’hallux, ou encore de la cheville. Parfois, l’hyperpronation n’est pas un problème du tout. Dans ce dernier cas, il vaut la peut-être la peine d’effectuer une analyse biomécanique de la course pour voir si votre posture n’amènerait pas, à plus ou moins long terme, vers des problèmes d’articulations ailleurs.
8 On dit des coureurs « neutres » qu’ils ne présentent pas de pronation ou d’hyperpronation (le pied dont la voûte plantaire s’affaisse vers le centre), ou de supination (plus rare, lorsque le pied dévie vers l’extérieur) dans leur foulée.
Le terme anglophone « drop » apparaît au début des années 2000 à l’orée de l’ère minimaliste. Celle-ci prône un retour à une semelle plate, le plus souvent mince, où la hauteur du talon et la hauteur du devant du pied serait égale. On parle alors de « drop » – dénivelé – pour indiquer une différence plus ou moins grande entre la hauteur du talon et la hauteur du devant du pied.
10 Si l’on sait déjà qu’en course sur le plat, la force d’impact au sol se situe entre 2,5 et 3 fois notre poids corporel, la course en descente, corrélée à la vitesse, génère des forces encore plus élevées. Marlène Giandolini. Gestion de l’impact et de la fatigue neuromusculaire en trail running. Physiologie [q-bio.TO]. Université Jean Monnet – Saint-Etienne, 2015. Français. ⟨NNT : 2015STET009T⟩. ⟨tel-01558928⟩, p.30. Disponible en ligne : https://theses.hal.science/tel-01558928 [consulté le 15/02/2024].
Photos :
1 – En-tête 123RF kittichai boonpong
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