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La course en sentier

Courir dans les bois avec les premières fraîcheurs automnales est un phénomène particulièrement apprécié au Québec. Est-ce à cause des arbres qui illuminent nos montagnes de leurs couleurs de brasier?

Et que dire des mois d’été, sans mauvais jeu de mots, au cours desquels le brasier se vit presque en temps réel : les périodes de canicule deviennent si intenses que d’aller grapiller quelques degrés de moins en courant dans les bois devient presque une évidence. Une chose est sûre, c’est que les Québécois1 savent profiter de leur territoire en toutes saisons!

Nous avons abordé la question de la course en hiver dans un précédent article. Aujourd’hui, nous nous adressons aux routards, aux passionnés du bitume qui n’ont pas encore osé franchir le pas du sentier et qui voudraient se familiariser avec cette discipline.

Car oui, la course en sentier, ou trail, est pour plusieurs un sport en soi. Loin de la route, du chrono et de la ville, l’expérience commence par la relation du coureur avec la nature.

Les cailloux, rochers, racines, les trous, la terre, les montées et les descentes parfois glissantes… un obstacle n’attend pas l’autre. Exit les allées asphaltées et propres. Bonjour les sentiers sinueux et incertains!

Apprécier le silence, respecter son environnement, écouter le bruit de la faune et de la flore… Le trail fait place à un rapport à soi. Ici, pas de données satellite fiables, pas de point de comparaison, pas de plat ni de ligne droite. Rien pour distinguer un coureur d’un autre : sur les sentiers, nous nous fondons dans le décor.

Passés les sentiments de liberté et de contact avec la nature, la course en sentiers doit être considérée comme un sport à part entière. Non pas qu’il soit difficile de courir dans les bois… pas du tout! Mais avant de se lancer, il faut tout de même prendre quelques précautions d’usage.

Chacun son chemin

Une différence notable quand on court dans les sentiers, c’est que comparativement à l’asphalte, la route n’est pas droite, pas propre, pas plate (dans tous les sens du terme)… Pas banale, donc! Plus sérieusement, ce chemin sinueux qui vous emporte ailleurs comporte des aspérités, des crevasses, en bosses, en plus de monter et de descendre. 

L’objectif quand on commence, c’est de s’y prendre graduellement, par étapes, et de respecter son corps à chacune d’entre elles. Faire comme lorsqu’on évolue dans un nouveau sport, finalement…

 

Développer sa stabilité

Dès les premiers pas de course en sentiers, on est subjugué par la beauté des paysages et de la nature. Cependant, gare aux distractions! La course en sentier, ça se passe devant soi, là où défilent les racines, les pierres, les trous et les chemins en dévers. Pour éviter de trébucher, vous aurez donc avantage de travailler vos muscles stabilisateurs, ceux qui aident à la bonne réception des pas et à la propulsion lors de la course.

Dans « Anatomy for Runners », Jay Dicharry suggère de rendre vos muscles plus « intelligents »2 en misant sur la coordination et l’atteinte d’un meilleur alignement postural. Pour y arriver, il faudrait d’abord détendre certains muscles oubliés avant de les renforcer, puis de les dynamiser.

 

Rouleau pour massage Trigger Point
› Détendre les muscles 

Ischio-jambiers, fascia plantaire, tibial postérieur, soléaire, mollets, quadriceps et bandelette ilio-tibiale, colonne vertébrale, psoas, fléchisseur et extenseur de la hanche… Ces segments sont tous, à plus ou moins grande échelle, investis dans l’activité de la course en sentiers. À l’aide d’une balle de massage, ciblez chacun de ces muscles et tendons pour les détendre et améliorer votre mobilité tissulaire, en auto-massage ou avec l’aide d’un massothérapeute sportif.

 

› Devenir plus fort 

Après ce travail de détente et de mobilité, place au renforcement musculaire des fibres, qui ont acquis une flexibilité et une conscience de leur bon positionnement dans l’espace. Quelques exercices de musculation simples vous permettront de sillonner les chemins avec une plus grande assurance.

 

› Dynamiser le mouvement

Dans son livre « Courir Mieux », Jean-François Harvey propose une série d’exercices pliométriques3 pour activer efficacement les muscles préalablement renforcés. Ces séquences de gestes brefs et puissants stimulent le système nerveux dans l’enchaînement rapide des phases concentriques et excentriques du mouvement. À terme, le coureur développe une aisance, dans sa foulée autant que dans l’évitement des obstacles qui se dressent subrepticement sur son chemin.

 

Monter et descendre

Sans surprise, au profil accidenté des sentiers s’ajoute le relief. Les côtes, qu’il faut gravir et descendre, amènent un défi aux muscles de 3 à 5 fois supérieur à la course sur le plat (et peut aller jusqu’à 5 à 12 fois supérieur en situation de compétition4). C’est une des raisons pour lesquelles il est plus logique de s’entraîner dans les sentiers, si vous vous préparez à une course de trail (et sur l’asphalte si vous préparez une épreuve sur route). C’est le principe de spécificité.

Malheureusement, on n’a pas tous une montagne dans sa cour arrière… mais pas de panique! Dans des conditions urbaines, il est quand même possible de s’entraîner en ciblant les chaînes musculaires associées à la course en sentiers.

 

› Les escaliers 

Qu’ils soient au bureau, dans une salle de conditionnement physique, à l’Oratoire Saint-Joseph ou sur le Mont-Royal, les escaliers sont vos alliés urbains du trail. Ajoutez une séance de dénivelé positif par semaine en gravissant des escaliers. Vous développez ainsi les fessiers, quadriceps, ischio-jambiers et gaine abdominale/dorsale nécessaires à la montée.

 

Les intervalles 

Les intervalles, ou répétitions d’efforts d’intensité plus élevée alternées avec des périodes de récupération plus ou moins longues, sont un moyen efficace d’acquérir une plus grande aisance en trail. Le simple fait d’accélérer sur des surfaces incertaines, à une intensité légèrement plus élevée que votre allure d’endurance fondamentale, vous exerce à une plus grande réactivité et vigilance. Au final, vous survolez les sentiers et appréhendez les obstacles les doigts dans le nez!

 

 

S’équiper

Qui dit « sentiers » dit adieu aux surfaces impeccables de l’asphalte : c’est la confrontation pure et simple avec les éléments. Les chaussures de course en sentier sont à ce titre conçues pour une pratique qui les met à rude épreuve.

Le dénivelé, les sentiers en dévers, les chocs décuplés en descente, les surfaces glissantes, le climat humide ou hivernal bien de chez nous, sont autant de conditions qui imposent une chaussure renforcée : une empeigne solide, talon et bout de pied protégés, matière et laçage renforcés, une semelle durable et cramponnée… Durabilité, adhérence et réactivité sont les maîtres mots d’une chaussure de course en sentiers prête à arpenter la terre, la boue, les cailloux, les racines, la neige et la glace.

 

Voici quelques caractéristiques à rechercher sur votre chaussure, en fonction du type de surface sur lequel vous vous entraînez. Lors de votre visite chez votre magasin de chaussures de course préféré, décrivez votre terrain de jeu sans lésiner sur les détails, afin d’orienter au mieux vos conseillers.

 

› Surfaces sèches, caillouteuses, rocheuses 

Les surfaces rocheuses sont sans doute les plus abrasives pour les semelles externes de vos chaussures de course.  Les fabricants ont conçu des chaussures de course en sentier spécifiques à ce type de conditions : les crampons sont moins nombreux, moins acérés et donc plus plats. Ils préviennent ainsi l’usure inutile et augmentent la surface de contact du pied au sol, pour une meilleure adhérence.

 

› Surfaces molles, boueuses, en dévers, à haut dénivelé

Pour ce type de surface, on cherche à ce que la semelle « colle » au sol le plus efficacement possible, de manière à réduire les glissements et à optimiser l’économie de course. Logiquement, les crampons sont acérés, pointus, afin de pénétrer dans le sol et fournir au coureur une stabilité optimale dans les montées, les descentes et les sentiers en dévers.

Par conséquent, notez bien que les semelles de ce type de chaussure ont tendance à s’user plus rapidement si vous les utilisez sur des surfaces plus dures. Nous vous entendons déjà nous dire « oui mais que faire quand on habite en ville et qu’on doit d’abord traverser une partie asphaltée avant d’atteindre un parc? » Si vous êtes dans le cas de figure, nous vous recommandons de choisir votre chaussure de course en sentier en fonction de la surface sur laquelle vous prévoyez courir le plus longtemps lors d’une sortie.

 

› Surfaces variables (mélange asphalte-sentier), trail urbain, course utilitaire

Une nouvellle discipline a fait son apparition depuis quelques années, défilant sur les surfaces accidentées et incertaines de la ville, mais qui n’ont rien de naturel : le trail urbain. Les rochers se substituent aux dalles de béton, le gravier aux sections de travaux de voirie, les sentiers aux allées cahoteuses des parcs aménagés… Tout un programme pour ces coureurs 2.0, qui n’a parfois rien à envier aux courses à obstacles.

À mi-chemin entre une chaussure de sentier et une chaussure de route, la semelle externe de la chaussure de course urbaine a des crampons beaucoup plus plats pour un maximum d’adhérence au sol. Une empeigne renforcée sur les latérales vient combler le tout, en prévision du slalom des coureurs dans la faune urbaine.

 

› Surfaces neigeuses, glacées

Si vous courez au Québec en hiver et donc dans la neige et la glace, vous avez droit à un article dédié aux chaussures de course hivernales juste ici.

 

 

Que vous proveniez de la course sur route ou d’un tout autre sport, la course de sentiers mérite d’être considérée comme une pratique à part entière. Son terrain changeant, ses adeptes, les lieux et les paysages auxquels elle donne accès se distinguent des autres pratiques par son côté aventureux et sa technicité. Contre un peu de conseils, de préparation et d’équipement, transformez vos appréhensions en expérience positive!

 

Pour trouver la chaussure qui vous convient, passez nous voir en magasin ou contactez-nous!

 


Sources :
1 L’emploi du masculin dans le texte a pour but d’alléger celui-ci.
2 Dicharry, Jay. « Anatomy for Runners », Skyhorse Publishing, Delaware (imprimé en Chine), 2012, page 212.
3 Harvey, Jean-François. « Courir Mieux », Éditions de l’Homme, Montréal, pp.236-239.
4 « Bruno Heubi propose d’adapter ce coefficient de 10 à la distance » parcourue, en fonction de la durée de la course, du dénivelé et de la technicité du parcours. Il s’agit bien sûr de situation de compétition et pas de trail à l’entraînement. Dans ce cas-ci, on peut facilement apposer un coefficient de 3 à 5 par rapport à l’effort sur le plat, pour une personne pesant environ 63 kg. Millet, Guillaume. « Ultra-trail – Plaisir, performance et santé », Outdoor Éditions, Lyon, 2012, p.14.
Photos:
Photos 1 header: Saucony Canada / photo 2 (course en sentier) : brian erickson pour unsplah / photo 3 (rouleau massage) : trigger Point / Photo 4 (Pliométrie) : Andrew heald pour unsplash / Photo 5 : Saucony Canada