Des mythes tenaces…
En lisant la littérature sur le sport chez les enfants, on se rend compte qu’il existe une multitude de mythes sur les enfants et l’activité physique. La mauvaise interprétation des études scientifiques, doublée à une croyance fortement ancrée selon laquelle les petits auraient naturellement la bougeotte (et que pour cette raison il faut les faire bouger beaucoup, beaucoup, beaucoup), pourrait être une des causes qui expliquent un certain laisser-aller dans la prise en charge sportive des jeunes au sein des écoles et de l’organisation d’événements compétitifs.
Si l’on peut craindre que l’activité physique (en trop grande quantité ou mal administrée) soit nuisible pour la croissance des enfants, on peut en revanche être amenés à croire que nos rejetons, par leur nature si réactive et spontanée, n’ont pas besoin d’être actifs en dehors du cadre scolaire. Or, le système d’éducation québécois a coupé fortement dans les heures d’éducation physique depuis les dernières années. Si on ajoute cela à des sessions de sport trop courtes à l’école (le temps passé à être actifs, par rapport au temps de préparation, d’explications, de temps morts, s’est réduit comme peau de chagrin) et la prolifération des écrans dans les temps de loisirs, on obtient une tendance à l’altération de la condition physique des jeunes à mesure qu’ils grandissent1. Les statistiques sont claires à ce sujet : au Québec, plus les enfants vieillissent, moins ils bougent…
À l’autre bout du spectre, la culture télévisuelle est friande de récits sur les surdoués, brouillant encore plus nos repères. Celui de l’inconnu qui s’insère dans une catégorie plus haute que la sienne et rafle tous les prix est un exemple de scénario qui sert justement à nous donner des étoiles dans les yeux.
À tous les ans et de plus en plus jeunes, on voit pointer ce type de sportifs qui semblent arriver de nulle part et qui gagne tout, comme Jakob Ingebrigtsen, un athlète norvégien qui, à seulement 18 ans, s’est offert les titres de champion d’Europe sur les distances de 1500 et 5000 mètres. À l’image de cette famille qui se lance dans la course d’un marathon, il existera toujours une exception pour défrayer l’actualité sensationnaliste… et inciter certains parents, organisateurs d’événements, éducateurs, entraîneurs mal informés à commettre une bourde. Pleins de volonté au début mais inaptes à tenir sur la durée, des enfants se voient attribuer un programme d’entraînement digne de sportifs professionnels et craquent, avant même qu’ils aient atteint l’âge de disputer des compétitions à haut niveau.
Sans se faire moralisateurs, l’idée est ici de trouver le juste milieu entre, d’un côté, des jeunes sportifs surentraînés, puis de l’autre les sédentaires affalés sur le divan pendant des heures. Au centre du spectre, il y a nous… et en face, il y a des outils, des documents très instructifs qui proposent des solutions sur la façon d’amener son ou ses enfants vers une pratique sportive saine, surtout si elle implique la compétition.
La variabilité, le dosage et la nutrition : des clés pour un environnement sportif sain
À propos du sport chez les jeunes, les études abondent pour dire que la participation à un sport organisé a des répercussions positives sur les résultats académiques, l’estime de soi, le concept de soi, en plus de réduire les problèmes reliés à la discipline (Ray, 19402, Eidsmore; 19643). D’un point de vue biologique, on s’est posé la question à savoir si l’activité physique, bien qu’elle soit bénéfique pour les élèves, ne nuirait pas à la croissance des enfants.
Du nombre d’études ayant été produites à ce sujet, il appert que l’activité physique est bénéfique pour les jeunes, à condition qu’elle ne soit pas spécialisée trop tôt ni exercée à trop fortes doses, et que l’apport calorique soit suffisant. En effet, difficile de faire mieux que le sport pour un enfant, qui accède par-là à un milieu où il est accepté socialement, où il se sent appartenir à un groupe, où il développe une discipline de vie, le sens du travail en équipe (dans le cas des sports collectifs) et le plaisir de bouger4.
Cependant, l’enfant, avant, pendant et après la puberté, parfois jusqu’à l’âge de 25 ans, a encore des croûtes à manger : les organes, les fonctions vitales, les canaux qui amènent l’énergie vers les muscles, ne sont pas encore totalement développés. Il en va de la maturation de la force physique, du cerveau et des mécanismes de l’homéostasie5. Les glandes qui régissent le fonctionnement de la sudation, par exemple, ne sont pas complètement formées chez les jeunes pré-pubères.
Cela n’a pas qu’à voir avec les poils et les odeurs de votre ado, malheureusement!… La sudation en l’occurrence, a une fonction fondamentale : celle de réguler la température du corps. En s’évaporant, la transpiration évacue la chaleur accumulée dans votre corps lors d’un effort de longue durée et, par le fait-même, permet de continuer de courir plus longtemps avant la surchauffe.
Faites courir un marathon à un pré-ado. Passé 7-8 km, il y a de fortes chances qu’il rechigne… Et ce ne sera pas dû à de la fainéantise, mais bien à une réelle incapacité de continuer. Ses glandes sudoripares n’étant pas complètement formées, son système de thermorégulation ne suffit pas à maintenir la cadence à un rythme élevé pendant longtemps. C’est une des raisons qui expliquent les limitations de distances de course pour les jeunes et l’importance de prévoir une quantité de pauses sur le parcours. De cette façon, leur corps s’adapte à l’effort et se refroidit dans le cas d’une activité plus longue ou d’une journée de grande chaleur.
Pression sociale et plaisir
Un jeune qui grandit plus vite que les autres, ça impressionne, mais ça peut aussi amener de nombreux accrocs… On le voit dans de nombreux sports : la pression de la compétition pousse beaucoup de gens à sauter des étapes. Or, les capacités d’un jeune dont le gabarit s’est développé plus tôt que la moyenne ne sont pas prémonitoires d’un futur auréolé de succès. Pour de nombreux enfants qui se spécialisent trop tôt, la « mise à niveau » qu’opère la puberté, peut s’avérer difficile à vivre. À un moment où se jouent de nombreux questionnements et une prise de conscience occasionnés par les changements du corps, le sport de compétition peut certes être un exutoire, mais aussi un facteur aggravant sur la santé psychologique.
De plus, en commençant très tôt leur sport, ceux-ci possèdent déjà plusieurs années d’expérience : l’abandon ou les blessures peuvent survenir plus souvent comparativement aux pratiquants qui commencent à se spécialiser plus tard. À ce titre, une étude de Hamilton, Robertson et al. (2005) rappelle un sondage effectué auprès d’athlètes olympiques médaillés, pour lesquels l’entraînement sérieux aurait commencé dix ans avant l’obtention de leur titre, soit à environ 12-13 ans6. Chez ces mêmes athlètes, une donnée non négligeable aurait peut-être parfois fait la différence : le facteur « plaisir ». Les athlètes performants auraient allié sport et bien-être très tôt dans leur vie, comparativement aux athlètes non médaillés.
Donc, à la nécessité de ne pas spécialiser les jeunes trop tôt – pour des raisons physiologiques que l’on connaît – on insiste aussi sur les facteurs psychologiques dans le sport, qui peuvent influencer la pérennité d’un ou une athlète jusque dans les plus hautes sphères de performance. Des exemples? Il en va de quelques petites précautions à prendre, tout au long du développement des jeunes, un temps long où les mots peuvent avoir plus d’impact qu’on ne se l’imagine, comme dans la manière de parler du succès et de l’échec : le mot « gagner » devrait prendre les traits d’une victoire sur soi-même plutôt que sur l’équipe adverse… Le perfectionnement de ses techniques et aptitudes devrait primer sur le désir d’écraser l’autre.
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