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Le sport et les jeunes (article 1 de 3)

Depuis quelques années, on assiste à un regain de popularité de la course à pied. On ne compte plus les compétitions qui pullulent partout dans la province. Et avec le nombre grandissant d’événements augmente aussi les distances et les populations visées.

Désormais, les rencontres sportives ne sont plus que le lot des jeunes adultes actifs : les plus vieux comme les plus jeunes, pour certains à peine sortis des couches, foulent désormais le bitume avec des courses taillées sur-mesure pour satisfaire toute la famille. Ainsi, pendant que maman court son marathon, papa accompagne le petit ou la petite sur « sa » course de 500 mètres,1 ou 2 kilomètres, une piste aux airs de foire où les petites frimousses se précipitent en avant, aidés à moitié par leurs parents, le grand sourire aux lèvres.

 

1K Marathon de Montréal / Rock&Roll Marathon Series.D’aucuns seront d’accord pour dire que l’activité physique est bénéfique et qu’à tout âge, s’introduire aux notions d’esprit sportif et de persévérance est important. Si participer à une compétition est un élément clé de l’apprentissage chez les jeunes, la question se pose néanmoins sur l‘âge d’entrée d’un enfant à une distance de course donnée. Par exemple, pour le Marathon de Montréal, l’âge minimum requis pour participer au demi-marathon est de 12 ans, alors qu’il s’élève à 17 ans en Europe! En effet, lorsqu’on se met à comparer les disciplines, on constate que le minimum d’âge requis pour entrer en compétition varie énormément.

Pourtant, les recommandations des Fédération Française d’Athlétisme (FFA) et Fédération Québécoise d’Athlétisme (FQA) sont claires : les jeunes de 12-13 ans ne devraient pas entrer en compétition sur des distances de plus de 3000 mètres. Si l’athlétisme fixe des barèmes aussi strictes, c’est parce que les fédérations qui s’en occupent travaillent conjointement avec les athlètes, les entraîneurs, les éducateurs, mais aussi les chercheurs en science de l’activité physique, qui ont une vision d’ensemble sur le phénomène et savent déterminer, à l’aide d’études menées sur de très longues périodes, quelles sont les limites à imposer aux corps des jeunes en développement.

Filia Crawford, Américaine de 6 ans ayant couru son premier marathon en 2017, à Cincinnati. Photo: YouTube

En effet, si les règles d’âge minimal sont respectées en athlétisme, en course sur route, les limites sont « suggérées », mais pas souvent appliquées. On peut le constater en visionnant la vidéo de cette famille américaine de cinq enfants qui se lance au grand complet dans un marathon. Si ses frères et sœurs ont déjà accompli trois ou cinq marathons dans le passé, la benjamine de six ans pour sa part, en est à son premier. Malgré les signes de fatigue évidents exprimés par la plus jeune, qui n’a d’yeux que pour les fleurs et le toboggan d’un parc municipal rencontrés aux abords du parcours, la famille décide de rester soudée et de continuer la course jusqu’à la ligne d’arrivée, après un peu moins de 7 heures de cavale.

Si elle témoigne d’un lien fort unissant les membres de la famille, cette vidéo pose des questions sur la faisabilité pour un enfant de 6 ans de courir un marathon, avec tout ce qu’il suppose de préparation physique derrière… Dans le film, on voit bien que les parents sont attentifs aux signaux qu’envoie la petite : ils font des pauses fréquentes et accompagnent chaque nouveau mile d’une acclamation festive.

Bien sûr qu’à certains moments, ils envisagent d’arrêter… Néanmoins, la question reste entière : Quel état la fillette aurait dû afficher pour que la famille prenne la décision d’arrêter? Aurait-il fallu une blessure, du sang, un évanouissement? Sachant qu’il faut plusieurs mois à un adulte pour s’entraîner en vue d’un marathon, est-il sage de faire courir d’aussi longues distances à des enfants, lesquels n’ont manifestement pas l’expérience et la charge d’entraînement nécessaires? Si non, à qui revient la responsabilité de réguler sur des situations pareilles?

« Il ne faut pas s’alarmer » – Marc Desjardins

Marie Allard, journaliste à La Presse, s’était intéressée au sujet de l’âge minimal en compétition dans un article publié en juillet 2014. Laurent Godbout, alors président de la FQA, avait souligné la nécessité de « positionner la Fédération sur ce sujet ». En 2019, la réponse de Marc Desjardins, nouveau PDG de la FQA et de Marilou Ferland-Daigle, Coordonnatrice Course du route et « trail », se fait rassurante… « Il ne faut pas s’alarmer… », dit Marc Desjardins. Une situation comme celle qui est décrite dans la vidéo est « très marginale » et ne devrait pas inquiéter les parents sur une possible déroute en matière d’encadrement sportif chez les jeunes.

Selon le directeur de la FQA, la participation précoce des jeunes à des événements de course résulterait en partie de « l’engouement des gens pour la course depuis les dernières années. [Les adultes] commencent à courir, découvrent les bienfaits que la course à pied leur apporte et veulent transmettre à leurs enfants cet amour pour le sport ». À la base, « ça part d’un bon sentiment », celui du partage. Les déroutes, quant à elles, découleraient alors d’une méconnaissance des structures en place pour prendre en charge leurs enfants dans le développement de leurs capacités…

Car il faut le dire, en matière d’encadrement des jeunes en sport, c’est parfois un peu la jungle…

 

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Ressources supplémentaires :
Merci au Dr Dave Ellemberg, professeur titulaire à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique de la Faculté de Médecine de l’Université de Montréal, pour les sources et la pédagogie ayant permis d’écrire ce texte.
Judith Lefebvre, Laurent Godbout (coordination et production). « Guide Technique – Organisation en course sur route », Fédération Québécoise d’Athlétisme, en collaboration avec le Ministère de l’Éducation des Loisirs et des Sports. Disponible en ligne : [http://vienscourir.com/medias/guide-course-fqa2013.pdf].
Albert Marier, Eric Pilote (rédaction & coordination), Direction du sport, du loisir et de l’activité physique. « Fondements de la pratique sportive au Québec », Bibliothèque et Archives Nationales du Québec, 2019. Disponible en ligne : [http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/publications/Fondement-pratique-sportive-au-Quebec.PDF].