Depuis quelques années, on observe la popularité grandissante des « ultras » (toutes distances au-dessus du marathon, soit 42,2 kilomètres), suscitant l’admiration à l’égard des exploits d’endurance et de leurs héros, ces extraterrestres qui carburent à la douleur et à la fatigue mentale… Le monde du triathlon n’y fait pas exception, avec ses combinés dans les régions les plus arides du globe. Et puisqu’un extrême ne vient pas sans l’autre, on observe, à l’autre bout du spectre, une « démocratisation » des pratiques sportives.
Aux dires de Stéphane Pilon, adepte de plus de 33 ans d’expérience, « les triathlons courtes distances (sprint, olympique) existent depuis très longtemps. Ce qui est nouveau en soi, c’est le vocabulaire utilisé ». On en veut pour exemple l’Ironman 70.3, demie de l’épreuve du même nom – terme destiné à redonner du lustre à une distance plus accessible que le « full Ironman » – survenant pour la première fois au Québec dans la ville de Mont-Tremblant il y a sept ans. À ceux-ci s’ajoutent depuis peu des événements aux noms accrocheurs, tels que les « super sprints » ou « découverte » en tous genres, plus courts et à portée du plus grand nombre.
« On sent que le triathlon veut se rendre plus accessible », commente Patrick Billette, entraîneur en chef du club de Triathlon Rive-Sud. Cet habitué des courses voit une recrudescence de « novices » au sein des pelotons de départ. En boutique par exemple, on va acheter des « barres de tri », ces tiges que l’on appose sur son guidon de vélo de route pour s’y accouder lors de la partie vélo de la compétition, une alternative moins chère et plus versatile au vélo de contre-la-montre tout équipé et plus niché que l’on retrouve auprès des triathloniens confirmés.
Au-delà de l’aspect monétaire, la question de l’entraînement se pose en première ligne d’une préparation à un triathlon. En effet, bien réfléchi(e) est celui ou celle qui se lance à l’assaut d’une telle discipline, contrairement à certain(e)s novices qui se lancent des défis sur les réseaux sociaux, du genre « si t’es capable, moi aussi, je suis capable! » Dans le but de rendre compte des considérations reliées à l’entraînement, de la progressivité d’une telle entreprise et de l’importance de les aborder en amont, nous vous présentons ce texte, divisé en étapes à aborder chronologiquement pour une planification annuelle réfléchie en triathlon.
1- Fixez-vous des objectifs
Pour bien se préparer en triathlon, tout comme n’importe quel autre sport, d’ailleurs, il faut bien sûr se fixer des objectifs. Ce sont eux qui nous motivent et qui nous poussent à nous lever très tôt le matin pour aller nager, courir ou pédaler. Sans objectif clair et mesuré, difficile de se projeter ou d’aborder une réelle préparation. Ne vous éparpillez pas! À moins d’être un(e) adepte confirmé(e) ou de faire de la compétition, il est plus réaliste de miser sur deux ou trois objectifs principaux et de les étaler sur une année. Par exemple, vous pourriez choisir une première cible en été, puis une seconde vers la fin de l’automne, histoire de répartir votre effort et de faire les ajustements qui s’imposent entre la première et la deuxième compétition. Si vous souhaitez vous inscrire à plus de courses, vous pourriez aussi décider de hiérarchiser celles-ci, tel que sélectionner la première en tant que « préparation » à la seconde, pour vous tester en situation réelle et de travailler sur des points spécifiques comme les transitions ou le stress en compétition.
2- Posez-vous les bonnes questions
Un aspect de l’entraînement que l’on sait présent, mais que l’on aborde peu, est celui de la personne à entraîner, en l’occurrence, vous. Une femme ou un homme de soixante ans n’est pas une pouliche ou un poulain de vingt printemps! Les études, le travail, le quotidien, la famille, les engagements multiples constituent des événements qui ponctuent vos existences et font évoluer le temps alloué aux loisirs et aux activités sportives. N’en déplaise à ceux et celles qui furent actifs-ves en leurs jeunes années, avoir fait du sport de haut niveau dans votre jeunesse ne constitue pas une assurance tous risques, non plus que cela vous dispense d’entretenir la « machine » tout au long de votre vie… Certes, vous avez une légère avance sur les autres novices – une plus grande conscience et connaissance de vos mouvements et de votre corps – mais vous devrez repartir de zéro vous aussi, en gravissant les échelons et en respectant le principe de progression.
Avant même de débuter, posez-vous les bonnes questions… Pour prendre conscience de l’implication que représente le triathlon, énumérez les responsabilités qui vous occupent au quotidien : Le travail? La famille? Les études? Et à quel point? Pensez-vous qu’il soit réaliste d’inscrire vos entraînements à votre agenda? En outre, présentez-vous une particularité physique, quelle qu’elle soit, qui puisse entrer en ligne de compte dans le calcul de la progression de l’entraînement? Si oui, laquelle? Un tendon d’Achille capricieux, une jambe en bois, une épaule passée sous le bistouri, votre âge (plus ou moins avancé), votre alimentation, votre parcours de vie, etc. Dites-vous simplement ceci : tous les chemins mènent à Rome, mais les routes vers l’objectif final peuvent varier avec plus ou moins de détours et de sentiers parallèles. Il y a autant de parcours différents que de voyageurs.
Pour commencer du bon pied, passer un test d’aptitude aérobie vous permet de voir où vous vous situez à ce moment « X » de votre vie, là où vous commencez cette nouvelle activité qu’est le triathlon. Après être allé(e) chez le docteur pour vous assurer que votre condition physique vous permette de performer un tel test, choisissez le type d’évaluation, en natation, à vélo et en course à pied, qui vous donnera une bonne idée de votre niveau général et des qualités musculaires et aérobie à entraîner en priorité. Pour de plus amples informations, vous pouvez contacter des professionnels de l’activité physique comme Kinactif qui vous orienteront vers le(s) bon(s) test(s) à essayer, selon votre condition physique et vos objectifs.
3- Planifiez votre entraînement
On vous le dit d’emblée, la planification d’entraînement est un art et demande une bonne connaissance de la personne à entraîner (vous), mais aussi des préceptes fondamentaux de l’entraînement. Pas étonnant qu’on en fasse une profession, acquise à la suite d’une formation universitaire. Si vous débutez dans le domaine, l’idéal est de vous lier à une ou un kinésiologue, qui vous aidera à mettre toutes les données ensemble et à agencer le tout en une planification réfléchie. Nous vous en donnons ici les grandes lignes, ainsi que les considérations spécifiques au triathlon, à prendre en compte dans l’élaboration de votre planification annuelle.
Les cycles d’entraînement
De la même façon que la Terre qui tourne autour du Soleil, les sportifs fonctionnent eux aussi par cycles. Celui que tout le monde connaît est sans contredit le cycle olympique, appelé Olympiade, constitué de quatre ans, dont l’intensité augmente jusqu’au point culminant que sont les Jeux. Au niveau amateur comme le nôtre, le cycle d’un an est plus commun, même s’il est possible d’envisager de longues périodes plus « relax » que d’autres, en fonction de nos objectifs et des aléas de notre investissement sportif.
Votre année comporte des « macrocycles » qui vont à peu près comme suit : une période dite de « saison », où s’enchaînent les compétitions, laquelle est généralement précédée d’une préparation progressive (générale, spécifique, affûtage) et suivie d’une période de repos (récupération). Dans le cas où vous avez deux objectifs principaux éloignés (généralement un en été et un autre à la fin de l’automne), il se peut qu’il y ait un creux à la fin de l’été ou au début de l’automne, au cours duquel le type d’entraînement vise au maintien des qualités musculaires et aérobiques acquises durant la préparation hivernale.
Ensuite, l’entonnoir se resserre, on entre dans les détails et on peut s’allouer un peu de créativité! Vos macrocycles définis, identifiez les « mésocycles » qui composeront votre préparation physique, périodes variant de 3 à 6 semaines au cours desquelles vous pouvez décider de prioriser certaines qualités musculaires et aérobiques, des techniques ou carrément un des trois sports que compose le triathlon, motivés par des objectifs précis et atteignables dans le temps. Par exemple, vous pourriez décider de « consacrer » un mésocycle à la natation en hiver si vous êtes moins à l’aise dans l’eau, en diminuant la part des deux autres pratiques durant cette période.
Les spécificités du triathlon
Au moment de mettre sur papier votre planification, prenez en compte quelques aspects spécifiques au triathlon auxquels vous serez confronté(e)s lors de la mise en action de votre entraînement, proposés ici sans ordre précis :
- Le triathlon consiste en trois sports, la natation, le vélo et la course à pied, enchaînés l’un après l’autre. Toute la subtilité de cette pratique tient précisément à l’enchaînement efficace de ces trois disciplines performées au mieux de notre capacité. Sans être parfaitement au point dans chacune des trois activités, quelqu’un qui gagne un triathlon est celui ou celle qui maximise son potentiel au travers des transitions et de la pré-fatigue accumulée.
- Entraînez-vous à bien effectuer vos transitions. La pratique de l’enchaînement de chaque sport vous fera non seulement gagner de précieuses minutes, mais vous mettra aussi en confiance dans l’appréhension du contexte parfois stressant de la compétition.
- Ciblez vos faiblesses. En amont de votre planification, faites une liste de vos points faibles, lesquels prendront la forme d’objectifs dans la préparation de vos mésocycles. Par exemple, si vous manquez de souplesse, inscrivez-vous à des séances de yoga pour bénéficier d’un triple bienfait, celui d’améliorer votre amplitude de mouvement en maintenant une position tendue (excellent pour le vélo), votre respiration, mais aussi votre capacité de relaxation.
- Joignez l’utile à l’agréable! Le triathlon est un sport chronophage. Pour optimiser votre temps, adoptez certaines habitudes de déplacement, telles que le transport actif (vélo, course, marche), lesquelles vous permettront d’atteindre votre quota de kilométrage tout en vous rendant disponible pour d’autres activités du quotidien.
- Attention au surentraînement! La bête noire du triathlonien ou de la triathlonienne, c’est la blessure, trop souvent obtenue suite à une mauvaise progression ou à l’idée de vouloir en faire plus pour s’améliorer. L’un des principaux défis qui se présentent à vous est celui de savoir bien doser vos séances, d’où l’importance, parfois, de faire appel à un ou à une kinésiologue. Celui-ci ou celle-ci vous aidera à sublimer votre potentiel sportif en une planification saine et graduelle.
- La récupération est votre alliée. Ne la mésestimez pas. Voyez celle-ci comme l’élan à prendre avant de sauter, vous permettant de vous envoler encore plus haut. Pour le commun des mortels, une journée de « repos » par semaine est de mise dans une bonne planification d’entraînement, que vous prenez pour vous revigorer et recharger les batteries.
Comme vous pouvez le voir, en triathlon comme en tout autre sport, difficile de faire l’impasse sur une planification d’entraînement réfléchie. Pour atteindre vos objectifs de la meilleure des façons, vous avez avantage à considérer tous les éléments qui composent la pratique de cette discipline, de votre condition physique de départ à votre engagement personnel – votre capacité à intégrer votre entraînement à votre emploi du temps – en passant par votre prise en compte des aspects spécifiques du triathlon.