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Des idées pour un Québec actif

Championnes du monde du triathlon à Kona en 1983 et 1984, connues au Québec et dans le monde pour les nombreux résultats qu’elles ont acquis au cours de leur carrière sportive professionnelle, mais aussi pour leur ressemblance fulgurante, les soeurs Puntous ne passent pas inaperçu. À l’heure où beaucoup de gens délaissent l’activité physique, les jumelles, nouvellement retraitées du monde du travail, y voient au contraire une chance de bouger plus. Adeptes des Courses Thématiques, ambassadrices de la marque de chaussures Brooks, des produits énergétiques ReKarb, des montres Garmin FR35 et de Boutique Courir, elles démontrent que la forme physique n’a pas d’âge et que l’on peut s’y mettre à n’importe quelle étape de sa vie.

Quand on leur demande de nous nommer un modèle, une inspiration, elles s’exclament en chœur « Ed Whitlock », multiple recordman du marathon, décédé au mois de mars 2017 à 86 ans. S’étant mis à la course à pied à l’âge de 41 ans pour suivre son fils cadet de 14 ans déterminé à courir un marathon, ce Canado-Britannique s’est pris au jeu de la course et n’a fait ensuite qu’accumuler les performances. Détenteur de multiples records sur plusieurs distances en athlétisme, il est reconnu encore aujourd’hui comme le premier homme de plus de 70 ans ayant couru le marathon sous la barre des trois heures.

 

Le plaisir avant tout

Les jumelles distribuent les médailles aux finissants du demi-marathon de Mont-Tremblant, édition 2017.

Conscientes de la tribune que leur octroie leur position dans le sport et les médias, les soeurs Puntous s’adressent aux gens qui voudraient faire du sport, mais qui ne savent pas par où commencer. Comme l’a fait Ed Whitlock, « intégrer l’activité physique dans son quotidien est un défi accessible, peu importe son âge ou son niveau ». Ce qui compte surtout, c’est la motivation. Certains le font pour la gagne, pour le sentiment d’accomplissement. D’autres le font par envie d’accompagner un proche, par défi… et pourquoi pas « par plaisir »? Selon elles, la clé se trouve dans le bonheur qu’apporte le fait de bouger, à son rythme et sans pression, comme un mode de vie et pas nécessairement pour la victoire et les médailles.

Les chiffres canadiens les plus récents sont assez révélateurs sur le sujet. En 2008, 17% des Canadiens âgés de 55 ans et plus participaient à des activités sportives, ce qui représente un recul par rapport aux données de 1992 (25%). Difficile de définir les causes précises de ce déclin, quoique l’on puisse facilement pointer du doigt certaines avancées technologiques, avec en première ligne le temps passé devant les écrans. Conçues au départ pour nous faciliter la vie, les machines et assistances robotiques de toutes sortes, censées nous faciliter la vie, sont vite devenues la cause de nouveaux problèmes de sédentarité : de moins en moins de personnes bougent et sortent de chez eux.

Inversement, le phénomène course amène lui aussi son lot de découragement pour les néophytes : l’engouement récent pour la course à pied se traduit par une hausse des compétitions sportives à travers le pays, avec des défis de plus en plus fous. La course mythique du marathon (42,2 km) est détrônée par des distances toujours plus longues. Des « ultra-trails », des « ultra-marathons », 60, 100, 120, 160 km à travers les montagnes, mais aussi des « ultra-Ironmans » deviennent monnaie courante dans notre vocabulaire, sans parler des individus qui accumulent les objectifs, comme celui de courir « un marathon par jour pendant un an », réalisé par l’athlète québécois Yves Beauchamp.

Néanmoins au Québec, 40% de la population des 55 à 64 ans se déclarent « actifs », sans pour autant participer à des événements sportifs (Traoré I. Nolin B. et Lucille A., 2012). C’est précisément cette distinction entre le sport de compétition et le simple fait d’être actif(ve) au quotidien que les jumelles désirent mettre de l’avant, corroborant les données récentes fournies par le Livre Vert, initiative du Ministère de l’Éducation, des Loisirs et des Sports du Québec. On y affirme que faire de l’activité physique en tant que mode de vie, comme vecteur de plaisir et de rencontres est une chose possible, sans la pression et la mentalité de compétition qui viennent avec des gros événements.

 

L’éducation comme point de départ

Aux dires des Puntous, il faudrait inverser la spirale de « désentraînement » dans laquelle s’enlise la population en réglant le problème à sa source : d’abord, par l’éducation, puis par des campagnes de sensibilisation massives – des affiches, des pamphlets, des groupes d’action et de paroles qui inciteraient les gens à marcher pour se déplacer – pour responsabiliser les jeunes face à leur condition physique et en faire les futurs représentants de la société que l’on souhaite pour tout le monde. Si le message est lancé dès leur plus jeune âge, meilleures sont les chances pour les enfants, qui sont les citoyens de demain, d’internaliser des habitudes de vie saines et de les transmettre par la suite aux générations futures.

Évidemment, tout ceci ne saurait se faire sans l’apport d’une politique gouvernementale comme celle que propose le Livre Vert, assortie à des projets concrets d’urbanisation de l’espace public, centrés sur l’appropriation des villes par les piétons et les cyclistes, ainsi que des projets d’éducation qui stopperaient la dégringolade actuelle et ramènerait notre société sur la voie d’une meilleure santé globale.

 

Et nous, dans tout ça?

À l’échelle individuelle, chacun peut parvenir à changer un peu son quotidien, pour soi ou pour les gens de son entourage. Que ce soit en prenant les escaliers plutôt que l’ascenseur pour se rendre à l’étage du bureau, en sortant marcher autour du bloc sur l’heure du midi, en modifiant son cocktail de transport… Du côté des proches, pourquoi ne pas se faire un petit rituel de promenade de fin de journée avec son/sa conjoint(e)? Organiser une soirée de pétanque entre amis plutôt que d’aller au cinéma? Transformer les corvées ménagères en compétition de vitesse avec vos enfants?

En effet, bien qu’il ne soit pas impératif d’avoir ses chums de course avec qui s’entraîner tous les jours, il reste que pour beaucoup d’entre nous, le fait de se sentir entouré(e), compris(e) et encouragé(e) par ses proches, sportifs ou non, joue un rôle décisif dans notre capacité à intégrer l’activité physique dans notre quotidien. Associer les mots « sport » et « plaisir » dans l’esprit des gens pourrait permettre de démocratiser le terme « activité physique », que beaucoup trop de gens associent au mot « performance ». Vous aimeriez commencer à courir, mais vous avez peur de ralentir le groupe? Détrompez-vous! Il existe une multitude de structures qui encadrent les nouveaux pratiquants, tous sports confondus. Et si vous ameniez fiston avec vous? Gageons que vous attraperiez le virus du sport!

 

Un petit moment de détente à la dernière course des filles à Saint-Hilaire.

 

 

Sources:

« Les grands-parents qui vivent avec leurs petits-enfants », Le Quotidien, 8h30 le 14 avril 2015, dans Statistiques Canada (en ligne): http://www.statcan.gc.ca/daily-quotidien/150414/dq150414a-fra.pdf

« Rapport des Canadiens avec les membres de leur famille et leurs amis », Maire Sinha, 23 décembre 2014, Le Quotidien, dans Statistiques Canada (en ligne): http://www.statcan.gc.ca/pub/89-652-x/89-652-x2014006-fra.pdf

« Livre Vert – Le goût et le plaisir de bouger – Vers une politique nationale du sport, du loisir et de l’activité physique » – Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2013.